Du regard masculin à la norme male gaze

  • From male look to male-gaze norm

DOI : 10.71616/483

Résumés

Le male gaze peut être compris comme norme visuelle de production d’images de corps genrés, à travers laquelle les corps féminins sont systématiquement représentés comme objet passif de désir et les corps masculins comme sujet actif désirant. Traduit en français par « regard masculin », ce concept est souvent réduit au regard que les hommes portent sur les femmes, dans ou hors du cinéma. Cette interprétation fait écho à l’article fondateur du concept, en 1975, sous la plume de Laura Mulvey, mais invisibilise aujourd’hui un enjeu majeur de la discrimination genrée ordinaire, à savoir l’existence d’une norme visuelle sexiste qui forme tous les regards à voir, juger et représenter différemment les corps féminins des corps masculins. En revenant sur le contexte intellectuel d’élaboration du concept pour mieux m’en extraire, je soutiens que mettre en évidence la norme male-gaze dans la culture visuelle permet de restructurer la lutte pour émanciper tous les corps d’un langage visuel sexiste.

Male gaze can be understood as a visual norm in the production of images of gendered bodies, through which female bodies are systematically represented as passive objects of desire and male bodies as active desiring subjects. Translated into French as "regard masculin" (male look) this concept is often reduced to the way men look at women, both within and outside of cinema. This interpretation echoes Laura Mulvey’s article of 1975, who coined the concept, but it obscures nowadays a major issue of everyday gender discrimination, i.e. the existence of a sexist visual norm that trains everybody to see, judge, and represent bodies differently depending on their gender. By revisiting the intellectual context of the concept’s development, I argue that highlighting the male-gaze norm in visual culture allows us to help fighting for the emancipation of all bodies from a sexist visual language.

Plan

Texte

Introduction

La notion de « male gaze1 », traduit en français par « regard masculin », émerge dans les années 1970, dans un contexte militant britannique et féministe de la deuxième vague. Le concept apparaît pour la première fois en 1975, dans l’article séminal de Laura Mulvey intitulé « Plaisir visuel et cinéma narratif2 », publié dans la revue Screen. Laura Mulvey, alors réalisatrice et critique de cinéma, pointe du doigt un phénomène omniprésent dans le cinéma hollywoodien des années 1950 à 1970 : un traitement différencié des corps genrés à l’écran, dans lequel les corps féminins sont filmés et présentés comme des objets passifs de désirs, et les corps masculins comme des agents actifs, soutenant l’avancée du récit et l’identification des spectateur·trices.

Depuis lors, le concept de « male gaze » a connu une utilisation controversée, à la fois dans les milieux militants féministes, mais également dans les milieux de critique de cinéma et des cultural studies. Au niveau académique, le concept et le cadre psychanalytique de son élaboration ont été critiqués comme véhiculant une norme hétérosexuelle et occultant les rapports raciaux (Cervulle, 2023). Dans les milieux militants, et depuis quelques années dans les médias plus traditionnels, ce concept a été repris de manière plus ou moins vague pour désigner des phénomènes différents comme la sexualisation des femmes au cinéma, ou la sous-représentation des femmes dans les métiers de la réalisation dans l’industrie cinématographique (Le Collectif 50/50, 2022). En particulier, ce regard masculin est aujourd’hui souvent entendu comme le regard que les hommes portent sur les femmes, dans ou hors du cinéma. Dans cette acception ordinaire, il permet de mettre en mot un malaise sociétal que les femmes peinent parfois à exprimer : l’impression d’être regardées par certains hommes avec une intention sexualisante dans des situations inappropriées. Dans ces conditions, ce regard est vécu comme dévalorisant, voire violent, car il impose aux femmes une interaction qui les enferme dans un statut d’objet sexuel. La violence est d’autant plus forte que cette situation est considérée comme normale par l’entourage, les collègues ou les pairs, demandant aux femmes de supporter la situation en silence au risque d’être objet de représailles, de mépris ou de haine3. Il n’est pas question ici de remettre en question l’existence de ce phénomène de sexisme ordinaire, ni de critiquer les mots utilisés pour s’en emparer et lutter contre. L’objectif de cet article est de mettre en lumière un autre phénomène saisi à l’origine par le concept de « male gaze » et obscurci par l’omniprésence de l’interprétation sus-mentionnée de l’expression. Il s’agit du traitement différencié des corps genrés dans les représentations visuelles. Les deux phénomènes — le regard sexualisant, et le traitement différencié des corps à l’image — sont entremêlés, et ce, dès l’analyse initiale de Laura Mulvey. Ainsi, dans son article de 1975, elle analyse la manière dont les corps féminins — au contraire des corps masculins - sont filmés et intégrés à la diégèse de sorte à être donnés en spectacle aux regards à des fins de plaisirs sexuels. Ces dits regards, comprenant à la fois ceux d’autres personnages du film, de la caméra et des spectateur·trices, sont alors supposés être masculins et hétérosexuels, d’où l’expression de « male gaze ». Pourquoi ces regards sont-ils caractérisés de masculins ? Les raisons derrière l’adjectif « masculin » sont complexes et renvoient au cadre psychanalytique utilisé par Laura Mulvey dans « Plaisir visuel et cinéma narratif », ainsi qu’au contexte militant féministe des années 1970 au Royaume-Uni.

Un premier objectif de ce travail est de mettre en évidence le traitement visuel différencié des corps genrés comme une dimension souvent oubliée du male gaze et présente dès la formulation originelle du concept par Laura Mulvey en 1975. Ce travail ne s’arrête cependant pas à une explicitation du concept d’origine, mais prétend montrer que cette dimension du « male gaze » peut se comprendre en tant que norme de représentation sexiste qui façonne tous les corps genrés, masculins comme féminins. Enfin, un dernier objectif de ce travail est de montrer que la mise en évidence de cette norme renouvelle le concept de male gaze comme outil de lutte politique pour l’égalité. Pour parler de la norme, le concept doit s’entendre comme un adjectif : on parlera d’un film male-gaze, d’une image male-gaze ou d’une publicité male-gaze. Cette norme de représentation est constituée d’un régime de production d’images, sous-tendu par un ensemble d’outils techniques de fabrication d’objets visuels, véhiculant certaines significations et valeurs. Le travail d’origine de Laura Mulvey à propos des outils techniques de cadrage, de montage, de mise en scène et de narration qui fabriquent le traitement différencié des corps à l’écran est la source principale d’analyse de ce travail. Les travaux d’Iris Brey (2020) et de Nina Menkes (2022) renouvellent l’analyse des techniques en prenant comme objet d’étude des productions visuelles récentes, montrant ainsi que le traitement visuel différencié des corps genrés est toujours d’actualité. Dans cet article théorique, je n’étudierai pas à proprement parler de productions visuelles. Je me repose pour l’essentiel sur les travaux de mes consœurs et confrères en études de communication et de cinéma pour travailler le concept de « male gaze » par un geste philosophique d’analyse conceptuelle. A l’aune des enjeux politiques et théoriques actuels entourant la manière dont les images de corps genrés sont produites aujourd’hui, je défends qu’un changement de prisme de lecture — d’un regard à une norme — renforce l’usage du concept de male gaze dans la lutte pour l’égalité de tous les corps et l’émancipation de tous les regards.

Après une première partie d’analyse du concept historique, j’explique la manière dont le phénomène du traitement différencié des corps peut se comprendre comme une norme de représentation. Dans une troisième et dernière partie, j’esquisse les contours des formes de lutte que ce renouvellement conceptuel laisse entrevoir, rapprochant dans un même mouvement de résistance des gestes de production visuelle qui pourraient sembler à première vue s’opposer.

Pourquoi ce regard est-il masculin ?

Dans la préface d’« Au-delà du plaisir visuel », recueil de textes de Laura Mulvey publié en 2017 aux éditions Mimésis, Laura Mulvey revient sur le contexte d’élaboration de son concept de male gaze. Ce contexte est marqué par une grande influence intellectuelle de la théorie psychanalytique, par un ancrage dans le mouvement de libération des femmes, ainsi qu’une focalisation sur le cinéma classique hollywoodien tel qu’il était matériellement présent dans les années 1970. C’est dans cette perspective très particulière que Laura Mulvey révèle le phénomène de traitement différencié des corps genrés comme un langage filmique omniprésent dans le cinéma hollywoodien. Elle déploie alors de nombreux exemples de films et d’outils techniques pour mettre en évidence le fait que les personnages masculins sont déployés dans un langage narratif et filmique qui les rend moteur de la narration, de telle sorte qu’ils déclenchent une identification des spectateur·trices, tandis que les personnages féminins sont donnés en spectacle et fétichisés à des fins de plaisir visuel voyeuriste de ces même spectateur·trices. Enfin, elle défend que cette division du travail à l’écran est déterminée par la structure inconsciente des individus dans un système patriarcal, dans lequel cette fétichisation du corps de la femme est une réponse à l’angoisse de castration.

Dans cette première partie, mon objectif est de distinguer, à des fins de clarté analytique, trois éléments qui s’entremêlent dans la proposition initiale de Laura Mulvey : (1) la notion de regard dominant comme outil de pouvoir dans une société de domination masculine ; (2) les plaisirs visuels que le cinéma hollywoodien cherche à provoquer à travers des dispositifs filmiques précis, et dont l’origine serait à trouver dans l’inconscient formé par le patriarcat ; (3) le dispositif en lui-même, à savoir le langage ou régime narratif et filmique spécifique des films classiques hollywoodien de l’époque. La masculinité du regard se comprend à partir des deux premiers éléments. Le troisième élément, que je cherche à isoler dans cet article, peut s’affranchir de cette masculinité, pour se comprendre en tant que norme, parlant à la fois des corps masculins et des corps féminins. Cette norme male-gaze acquiert alors une certaine autonomie, englobe tous les corps et agit sur tous les regards.

Regard dominant, regard masculin

Pour expliquer l’idée du regard comme source de domination, l’invocation de la théorisation du regard de Michel Foucault, proposée par Caroline Evans et Lorraine Gamman dans leur essai « the gaze revisited » est tout à fait pertinente, bien que la publication de « Surveiller et Punir » soit ultérieure de quelques années à la rédaction en 1973 de « Plaisir visuel et cinéma narratif » (Evans & Gamman, 1995). Dans « Surveiller et Punir », Michel Foucault (1975) consacre un chapitre au Panopticon, un modèle de prison, imaginé par Jeremy Bentham, dans lequel une tour centrale abrite un surveillant, entourée de cellules disposées en cercle. Le jeu de lumière permet alors une asymétrie des regards : le surveillant voit les détenus dans leurs cellules tout en étant invisible à chacun d’entre eux. Les détenus se sachant surveillés en étant maintenus dans une forme d’aveuglement finissent par intérioriser le regard du surveillant et agir en conséquence. L’asymétrie des regards devient une structure de domination, de contrôle des corps et des comportements de ceux-qui-sont-regardés. Cette structure n’a alors plus besoin d’un regard permanent effectif de la part des surveillants, l’intériorisation assurant un contrôle continu : « [L]’effet majeur du Panoptique : induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir. Faire que la surveillance soit permanente dans ses effets, même si elle est discontinue dans son action » (Foucault, 1975, p. 202). A travers l’asymétrie des regards, Michel Foucault montre l’efficacité d’un système de contrôle des corps reposant sur la visibilité de ceux-qui-sont-regardés et l’invisibilité de celui qui regarde. Le féminisme britannique des années 1970 - au sein duquel Laura Mulvey est militante — dénonce également un contrôle de l’image et du corps des femmes par une société patriarcale qui place les hommes à la place des surveillants. Dans un des premiers recueils de textes féministes de cette époque, intitulé Sisterhood is powerful (Morgan, 1970), Robin Morgan écrit dans le poème introductif :

Nos sourires et nos regards,

Notre manière de marcher, de s’asseoir, de rire, les jeux

que les hommes nous imposent et oh, Déesse Mère, les jeux

qu’on s’impose entre nous - voilà comment nous passons inaperçues,

devant les Conquérants.

Toujours ils surveillent,

électrodes invisibles dans nos cerveaux,

pour s’assurer que notre rage implose les unes contre les autres,

et pas contre eux4. (Morgan, 1970, p.xxxviii)

On retrouve dans ce texte la profonde influence de Simone de Beauvoir dans ce féminisme de la deuxième vague outre-Atlantique. Ainsi, en 1949, Simone de Beauvoir mentionnait déjà le rôle du regard dans cette structure d’asservissement du corps des femmes par un contrôle, une surveillance continue, de la part du monde masculin, très vite intériorisé par la petite fille : « [E]lle sait bientôt que pour plaire il faut être “jolie comme une image” ; elle cherche à ressembler à une image, elle se déguise, elle se regarde dans les glaces » (De Beauvoir, 1949, p. 27). En grandissant, le regard des hommes fonctionne comme le regard du surveillant dans le Panopticon. Puisqu’une déviation de comportement de la part des jeunes filles — au contraire des jeunes hommes - produit immédiatement une conséquence néfaste sous les yeux de n’importe quel surveillant de l’ordre établi, les jeunes filles finissent par contrôler leur comportement par elle-même. Simone de Beauvoir écrit ainsi :

Si elles vagabondent dans les rues, on les regarde, on les accoste. Je connais des jeunes filles qui sans être le moins du monde timides ne trouvent aucun plaisir à se promener seules dans Paris parce que, sans cesse importunées, il leur faut sans cesse être sur le qui-vive : tout leur plaisir est gâché. Si des étudiantes dévalent les rues en bandes joyeuses comme le font les étudiants, elles se donnent en spectacle ; marcher à grands pas, chanter, parler fort, rire haut, manger une pomme, c’est une provocation, elles se feront insulter ou suivre ou aborder. L’insouciance devient tout de suite un manque de tenue ; ce contrôle de soi auquel la femme est obligée et qui devient une seconde nature chez « la jeune fille bien élevée » tue la spontanéité. (De Beauvoir, 1949, p. 96)

Être une femme « bien élevée » consiste donc à parvenir au contrôle de soi en intériorisant le regard de surveillance du monde masculin dans lequel la femme a le rôle d’objet de désir. En intériorisant ce regard, la jeune fille entre en soumission et abandonne son propre regard de sujet : « [Son] regard ne perçoit plus, il reflète ; désarmée, disponible, la jeune fille n’est plus qu’une fleur offerte, un fruit à cueillir » (De Beauvoir, 1949, p. 128). C’est alors l’ensemble du monde social qui fonctionne pour les femmes comme un Panopticon.

Dans les années 1970, ce regard dominant masculin est déjà théorisé comme participant à la production visuelle du monde occidental. En 1972, John Berger, critique et théoricien de l’art, réalise quatre émissions pour la BBC5 et un livre, intitulés Ways of seeing ; Il y introduit l’idée que la peinture européenne porte dans ses représentations visuelles des corps, en particulier dans le genre du nu, l’objectivation de la femme-objet passive sous le regard scrutateur de l’homme. En analysant la manière dont le corps féminin est peint — c’est à dire les codes et les conventions du nu dans les poses, les compositions, etc. —, il défend que la peinture européenne rejoue l’asymétrie des regards de la société patriarcale dans lequel, écrit-il : « Les hommes “agissent” et les femmes “apparaissent”. Les hommes regardent les femmes. Les femmes se regardent en train d’être regardées » (Berger, 1975, p. 47). John Berger développera cette idée dans une lecture matérialiste du monde de l’art, dans lequel l’image de la femme est un produit économique contrôlé par le capital, capital détenu par les hommes. Ce sont les hommes qui commandent les toiles, les hommes qui achètent, les hommes qui produisent. Ce sont donc les hommes qui contrôlent la production et la distribution des représentations visuelles de corps féminins, qu’ils représentent alors de manière à se flatter eux-mêmes (Berger, 1975).

Cette lutte contre l’oppression subie par un regard dominateur qui contrôle l’image et le corps des femmes constitue l’environnement intellectuel dans lequel Laura Mulvey élabore son concept de male gaze. Devenu visible par la lutte féministe, le dispositif du regard oppressif devient également visible à travers les représentations visuelles, comme le suggère les travaux de John Berger. Laura Mulvey puise alors dans la théorie psychanalytique les moyens de mettre en évidence ce dispositif en jeu dans le cinéma.

Les plaisirs visuels du cinéma et le dispositif technique

Laura Mulvey soutient que le but du cinéma classique hollywoodien est de divertir en procurant au spectateur·trice un plaisir visuel. Elle identifie alors, à travers la théorie psychanalytique, deux formes de plaisir visuel satisfaits par ce type de cinéma : un plaisir narcissique et un plaisir scopique. Le plaisir narcissique est produit par l’identification du ou de la spectateur·trice au héros du film, héros qui surmontera des épreuves, vivra des aventures, et en sortira vainqueur. C’est un plaisir que l’autrice rapproche du stade du miroir chez Lacan, où l’identification à une image plus puissante, plus parfaite de soi, procure du plaisir. Le plaisir scopique, quant à lui, se rapporte à la pulsion scopique chez Freud (1905) et consiste à éprouver du plaisir érotique à posséder par le regard, à scruter l’autre en le prenant pour objet visuel. C’est le plaisir en œuvre dans le voyeurisme, où le sujet voit sans être vu.

À partir de ces plaisirs visuels, Laura Mulvey identifie alors une forme de division hétérosexuelle et patriarcale du travail à l’écran des différents personnages. Le plaisir narcissique repose en effet exclusivement sur les personnages masculins et seuls les personnages féminins suscitent le plaisir scopique pour le ou la spectateur·trice. Cette division du travail se concrétise par un traitement différencié à l’image des personnages masculins et féminins, à la fois dans leurs rôles narratifs et dans la représentation de leur corps et de leurs actions. La grande force de « Plaisir visuel et cinéma narratif » est de mettre en évidence les dispositifs techniques mettant en œuvre cette production ségrégée du plaisir visuel : les hommes à l’action, les femmes au spectacle. Il s’agit de dispositifs narratifs, de cadrage, de montage, c’est-à-dire des dispositifs techniques de production d’images, de structuration du langage cinématographique.

Au niveau narratif, les personnages masculins sont actifs, ils font avancer l’histoire, la narration. Au contraire, les personnages féminins sont passifs et n’ont pour la plupart peu ou pas d’impact sur l’avancée de l’intrigue. Ils sont en revanche objet du désir voyeuriste à la fois du héros et du spectateur·trice. L’identification au personnage masculin est permise par la manière dont le corps du héros et ses actions sont filmés dans un espace tridimensionnel. Entre autres, les personnages masculins sont cadrés en pied, la caméra suit les mouvements de l’action du héros masculin, alors même qu’il y a plusieurs personnages à l’écran, et seules les aventures du héros sont filmées en caméra subjective. On voit également leur environnement et on les voit évoluer dans cet environnement, ce qui nous permet de comprendre leurs actions et les intentions qui les guident. Associé à des dispositifs de grande profondeur de champ6, ce qui permet de reproduire l’effet de la vision naturelle, le spectateur a accès au point de vue du personnage, ce qui favorise l’identification à ce personnage. En d’autres termes, la manière de filmer les personnages masculins nous donne accès en tant que spectateur·trice à l’expérience et la subjectivité de ces derniers. Par contraste, le cadrage des personnages féminins est différent. Les corps féminins sont filmés en gros plan à l’écran et de manière morcelée. La femme entière est beaucoup moins filmée que l’homme entier. Les gros plans sont souvent faits sur la poitrine, les fesses, les jambes, c’est-à-dire les parties supposément intéressantes du corps féminin pour le plaisir scopique. Le morcellement et les gros plans, invisibilisant l’environnement dans lequel les actions des personnages féminins prennent place, ne donne pas accès aux intentions des femmes, et aucune attention n’est portée à leurs actions et à leur agentivité (Mulvey, 1975).

Si ces dispositifs génèrent si bien ces plaisirs visuels, c’est parce qu’ils exploitent la structure désirante de la société patriarcale qui repose, comme on l’a vu, sur une asymétrie des regards entre les femmes et les hommes. Cette structure est exploitée à travers un dispositif de superposition invisible des regards du personnage masculin d’un côté et du ou de la spectateur·trice de l’autre. Cette superposition est effectuée via un troisième « regard », technique, qui est celui de la caméra et qui se veut transparent. Le male gaze au cinéma surgit donc par la superposition de ces deux regards, ce qui permet au spectateur·trice de ressentir les deux plaisirs — narcissique et scopique — à travers le regard du héros. La superposition du regard du ou de la spectateur·trice au regard du héros permet d’un côté l’identification et donc le plaisir narcissique à vivre les aventures du héros, et de l’autre, de profiter de la vision de la femme-spectacle, donné deux fois au regard du ou de la spectateur·trice : en tant qu’image cinématographique, et dans la narration, à travers les yeux du héros auquel le ou la spectateur·trice s’est identifié·e. Les dispositifs de « show girl7 » ou de voyeurisme de la part du personnage masculin, fréquent dans ce cinéma classique hollywoodien, sont les dispositifs les plus évidents de superposition des regards. C’est un dispositif narratif qui permet la mise en spectacle du corps féminin, sans briser le cours du récit. La superposition des regards est très claire lorsque les femmes sont filmées à travers des fenêtres, des trous de serrures, des caméras ou des appareils photos, concrétisant par ailleurs littéralement une situation de voyeurisme, où le spectateur est invité à regarder une femme comme si elle n’avait pas conscience du regard qui la scrute. Un autre dispositif classique est le système de champ-contrechamp8 lors de scènes de dialogue entre personnages masculins et féminins. Laura Mulvey souligne que le traitement à l’image de l’homme et de la femme en train de discuter n’est pas symétrique et que les angles des prises de vue lors des dialogues font que le ou la spectateur·trice se tient aux côtés de l’homme et voit la femme comme son interlocutrice. Une fois de plus, la femme est offerte au regard du ou de la spectateur·trice, à travers la perspective du personnage masculin que le ou la spectateur·trice est invité·e à adopter. Les plaisirs narcissique et scopique prennent donc place en même temps, dans le traitement des corps différenciés à l’écran, de manière que le ou la spectateur·trice adopte le regard du personnage masculin. C’est ainsi que le ou la spectateur·trice se voit obligé·e d’être « masculin·e » dans son regard.

La mise en évidence d’une structuration spécifique du langage filmique du cinéma classique hollywoodien s’inscrit donc dans ce double contexte de (1) lutte contre un regard masculin dominant, et de (2) lecture psychanalytique de l’origine des plaisirs visuels dans un contexte patriarcal. Et c’est dans ce contexte que ces dispositifs techniques doivent être compris comme participant de la domination d’un regard proprement masculin. Cependant, il est intéressant d’isoler analytiquement ces dispositifs techniques en tant que manière de produire des images de corps genrés, pour prendre en compte le type de représentation des corps que ce dispositif véhicule.

De la superposition des regards à la norme

Une norme sexiste, mais pas masculine

Le traitement visuel des corps genrés que Laura Mulvey met en évidence au sein de ce cinéma hollywoodien peut s’exprimer comme une liste de caractéristiques visuelles et techniques de ce qui fait une représentation typique, à l’écran, d’un corps masculin ou féminin. Pour n’en citer que quelques-uns : une femme est filmée de manière morcelée, en gros plan, principalement en contre-champ. Un homme est filmé en pied, les mouvements de la caméra suivent ses déplacements et ses actions. Il ne sera pas ici question de détailler les caractéristiques formelles de ces représentations typiques (Mulvey, 1975 ; Brey, 2020). L’objectif est de montrer la pertinence d’une approche du male gaze en tant que norme de représentation englobant tous les corps.

En effet, en isolant le langage visuel, le dispositif en lui-même, on s’aperçoit que ce langage édicte des règles, autant sur les corps masculins que sur les corps féminins, et transmet des valeurs éthiques et esthétiques à propos des genres : « une femme est bien et belle lorsqu’elle correspond à ce type de représentation, un homme est bien et beau lorsqu’il correspond à ce type de représentation ». Pour le dire autrement, le langage du film, s’il est pris pour lui-même, révèle une structure qui modèle tous les corps genrés par des obligations et des interdits : s’il faut que le corps féminin soit objectivé, il est interdit de faire de même pour un corps masculin. On peut alors définir la norme de représentation male-gaze comme un régime de production d’images de corps genrés, sous-tendu par un ensemble d’outils techniques de fabrication d’objets visuels, véhiculant certaines significations et valeurs. Cette production d’image est structurée par des règles implicites déterminant un ensemble de représentations cinématographiques des corps genrés. Le male gaze, en tant que régime d’image, représente le corps masculin en tant que sujet, habité d’une agentivité, et le féminin en tant qu’objet passif et morcelé. Il s’agit d’un langage, voire même d’une structure perceptive, qui associe une donnée sensorielle complexe à une catégorie symbolique, à savoir le genre et son rôle sexuel. La norme est en ce sens une règle de conversion entre l’image et le symbole, au même titre que chaque langue orale contient une règle de conversion d’indices acoustiques complexes en phonèmes. C’est pour cela que j’entends utiliser le terme male gaze comme un adjectif : un film male-gaze ou une image male-gaze sont des représentations de corps genrés conformes à la règle de conversion. Cette norme n’est pas à proprement parler masculine, en dehors de sa compréhension à travers le jeu des regards exposés par Laura Mulvey. En revanche, il s’agit d’une norme véhiculant les valeurs sexistes et hétérosexuelles du patriarcat, dans laquelle une femme est typiquement représentée en tant qu’objet sexuel pour les hommes, et les hommes sont représentés comme sujet prenant plaisir à la possession scopique de l’image de la femme. Il s’agit donc d’une norme hétéro-sexiste, patriarcale, mais pas masculine.

Cet élément normatif du male gaze englobant les corps à la fois masculins et féminins est souvent mis en arrière-plan par rapport au regard dominant masculin que j’ai présenté en première partie. Pourtant, une norme de représentation des corps a des particularités spécifiques, qu’il est important de rappeler dans le contexte contemporain de démocratisation des outils de production et de diffusion d’images.

Autonomisation, invisibilisation et internalisation

N’y a-t-il pas un danger de dépolitisation à isoler la norme sexiste de représentation du regard masculin dominant qui lui a donné naissance ? En effet, cette norme, bien qu’englobant tous les corps, ne les englobe pas de la même manière, et l’objectivation des corps féminins, au contraire des corps masculins, perpétue des valeurs à l’origine de l’oppression systémique des femmes. J’affirme cependant ici qu’isoler la norme male-gaze permet d’explorer comment cette norme de représentation participe au renforcement de ces inégalités de valeur en s’émancipant justement de ce regard dominant.

C’est ici qu’une distinction entre origine généalogique de la norme et processus de reproduction peut s’avérer fructueuse. Si à l’origine, l’installation de ce langage pictural en tant que norme peut se comprendre par la mainmise des hommes sur les outils de production d’image (hypothèse matérialiste de John Berger) ou par la satisfaction des désirs d’un regard masculin (hypothèse psychanalytique de Laura Mulvey), l’institutionnalisation de la norme male-gaze en tant que paradigme de production visuelle devient par la suite sa propre force de reproduction : un ou une producteur·trice d’image filmera et mettra en scène un corps féminin ou masculin en suivant ce langage visuel pour la seule raison qu’il s’agit là de la manière classique de mettre en scène les corps genrés. Il n’y a plus à ce moment-là d’influence du genre de celui ou celle qui fabrique l’image. Sur ce point, je rejoins Iris Brey qui, à l’opposé d’Alicia Malone (Malone, 2018), soutient que « le genre d’un cinéaste ne conditionne pas sa manière de filmer les personnages féminins » (Brey, 2020, p. 35).

Cette normalisation des représentations male-gaze s’opère par invisibilisation et internalisation. C’est bien parce que le cinéma joue avec les regards pour faire disparaître aux yeux du spectateur·trice les dispositifs techniques, que cette norme de représentation va gagner une forme d’autonomie. C’est peut-être en tant que dispositif invisible qu’une norme agit le mieux dans un processus de conformation. Pour mettre en évidence l’intériorisation de ces normes, faisons un détour par la publicité et la presse féminine. En 1977, Erving Goffman analyse les poses féminines prises par les mannequins dans les photographies de mode et de publicité, et met en évidence des caractéristiques récurrentes sur la pose des corps féminins et masculins. Ces caractéristiques sont comprises comme autant de manières de présenter la femme comme soumise, dominée, disponible sexuellement, et ce vis-à-vis de celui ou celle qui regarde la photographie. Par exemple, les femmes sont beaucoup plus souvent couchées que les hommes sur les photos, une position dans laquelle elles ne peuvent se défendre, où elles sont en situation de passivité. Les corps et les têtes des femmes sont souvent penchées sur le côté, dans une position où la femme regarde le spectateur « par en-dessous », dans une attitude conciliante, voire de subordination ou de soumission. Elles ont aussi des positions qu’Erving Goffman caractérise d’enfantine, de vulnérable, comme le fait d’avoir un doigt dans ou sur la bouche, et des mains touchant leur visage. Ce travail rappelle ceux de John Berger à propos des peintures de nu, mais avec une différence notoire : il s’agit ici de photographies destinées à un public féminin, à travers la presse féminine. L’objectif ne peut donc pas être celui d’une gratification scopique pour un spectateur supposément masculin et hétérosexuel, mais bien l’expression d’une norme de représentation qui s’est imposée comme naturelle, et donc facilement lisible pour un large public (ce qui est recherché par les publicitaires). Cette recherche du « naturel » à travers la norme de représentation male-gaze est bien illustrée par la conclusion de l’article d’Erving Goffman où il écrit :

Nous venons donc de découvrir un certain nombre d’expressions « naturelles » de la féminité et de la masculinité, pour autant qu’elles se laissent représenter dans les images publicitaires par le truchement de styles de comportements visuellement perceptibles. […] Les photographies publicitaires sont faites de poses soigneusement étudiées pour apparaître « toutes naturelles ». (Goffman, 1977, p. 50)

Il est difficile de mettre en évidence une norme internalisée comme naturelle. Si une grande littérature scientifique est aujourd’hui disponible sur la sexualisation et l’objectivation des corps dans les médias, il n’existe pas, à ma connaissance, de travaux scientifiques quantitatifs explorant le jugement de naturalité [naturalness] des types de représentation des corps genrés, bien que des travaux en psychophysique et neuroscience étudient depuis quelques années la perception des corps genrés en général (voir le travail de synthèse de Bernard et al., 2018). Je souhaite malgré tout proposer ici une illustration qui me semble appropriée : la reproduction parodique de photos de mode féminine avec des sujets masculins, générant un décalage humoristique. En 2002, des étudiants du professeur Thomas Streeter, ont fait l’exercice de prendre en photo des jeunes hommes prenant les mêmes poses que des femmes en couverture de magazines féminins. Le résultat est frappant : les couvertures originales transmettent une impression de naturel, la reproduction masculine une impression de mauvaise parodie (Streeter et al., 2002). Plus récemment, le groupe The Try Guys, constitué de quatre hommes produisant des contenus sur YouTube, ont publié une vidéo intitulée The Try Guys Get Photoshopped Like Women (The Try Guys, 2016) dans laquelle ils reproduisent quatre photos connus de stars féminines dans des conditions réelles de maquillage, prises de vue et altération finale par ordinateur. Le propos de la courte vidéo est la mise en évidence à la fois de la sexualisation de ces femmes, de l’artificialisation des images par les outils numériques, et de la difficulté des gestes du mannequin, que les sujets peinent à reproduire. Mais il est intéressant également de noter l’effet final de la reproduction, décalé, et qui fait rire les quatre hommes au moment de la révélation.

Ces remarques doivent être prises comme des indications préliminaires ouvrant un champ de réflexion sur la manière dont les normes de représentations peuvent être intériorisées jusqu’à produire des jugements perceptifs de naturalité, à la fois sur les corps féminins et masculins. Créent-elles des biais inconscients sur le jugement des corps ? Des préjugés ? Ou bien, transforme-t-elle jusqu’à la manière dont les processus perceptuels dits « de bas-niveau » sont affectés par les corps genrés ? Cette question nécessite encore quelques années de recherche. En revanche, qu’importe la manière dont il s’internalise psychologiquement, le langage visuel male-gaze s’inscrit inconsciemment dans le geste de tout individu qui produit des images de corps.

Matérialité

La focalisation sur la norme plutôt que sur le regard invite à analyser les gestes du ou de la créateur·trice, plutôt que son intention. En effet, une norme de représentation peut et doit se comprendre au niveau de sa matérialité, de sa structure formelle, de ses gestes techniques. Ces gestes et choix artistiques, artisanaux même, sont souvent invisibilisés au profit de l’intention, du propos. Or, nous venons de voir que c’est l’invisibilisation d’un dispositif normatif qui lui donne un pouvoir de conformation et d’internalisation en devenant « naturel ». Pourquoi ces gestes sont-ils peu visibles ? À l’image des paradigmes scientifiques chez Thomas Kuhn (1962), les règles de cette norme sont probablement plus facilement approchables par des exemples paradigmatiques. Ainsi, pour montrer la mise en spectacle du corps de la femme par suspension artificielle du flux de la diégèse, il est plus rapide et facile de lister les exemples célèbres des scènes de show girl, que d’extraire la liste des choix et des gestes techniques de production qui — bout à bout - fabriquent ces images. Ce sont pourtant bien ces gestes - de cadrage, de montage, etc. - qui déterminent la matérialité de l’image et sa conformité aux normes de représentation. Tous ces dispositifs techniques sont déjà présents dans l’article de 1975 de Laura Mulvey. Dans une anecdote plus récente racontée par la cinéaste Desiree Akhavan sur le tournage de la série The Bisexual (2018), on voit apparaître la dimension gestuelle, corporelle, de ces dispositifs techniques :

J’ai poussé physiquement mon chef op pour que le corps de la comédienne passe du milieu au bord du cadre et, immédiatement, l’impact de l’image a changé, ses seins n’étaient plus le point focal, elle n’avait plus l’air vulnérable […] on sent la différence si tu es en train de danser avec le personnage ou si tu regardes son corps danser. C’est un langage visuel. (Brey & Joyard, 2018)

L’image du corps de l’actrice passe ici d’une représentation male-gaze à une représentation qui ne l’est pas. Le changement de type de représentation se fait par un changement de cadrage, et ce dernier est ici bien illustré dans sa matérialité : il fallait bouger le corps du chef opérateur pour qu’il se place différemment vis-à-vis du corps de l’actrice. Une norme internalisée, ce sont donc aussi des gestes de production, un certain rapport corporel de celui ou celle qui fabrique l’image, ce dernier se conformant au langage male-gaze. Tout comme une langue que l’on parle, on apprend à l’entendre, la comprendre, ainsi qu’à produire les sons qui nous feront être compris d’autrui. C’est ce qu’on appelle le lien perception-production dans l’apprentissage de la parole. L’apprentissage du langage visuel serait donc en même temps perceptif et productif.

Or, ce rapport entre la perception et la production paraît crucial à l’heure où la production d’images de corps humains connaît une démocratisation sans précédent. Je pense ici à la fois aux outils de prise d’image, qui sont aujourd’hui dans toutes les poches sous forme de smartphone, et la mise en scène quotidienne de soi et de son corps via les réseaux sociaux. Ces réseaux sont d’une part des espaces de diffusion de normes de représentation d’une grande puissance, mais sont aussi diffuseurs d’outils numériques de production d’image qui imposent un langage visuel aux créateur·trices de contenu. Les filtres instagram ou les outils de création de séquences TikTok par intelligence artificielle en sont des exemples typiques. La démocratisation de l’intelligence artificielle dans la production d’image est également une nouvelle source de conformation via le numérique : étant entraînée sur la base d’un très grand nombre de représentations existantes, l’intelligence artificielle est une machine à reproduire les normes majoritaires de représentation.

En résumé, la société n’a jamais eu autant de créateur·trices d’images de corps, capables de diffuser leurs créations à tou·tes. Leurs gestes de mise en image des corps reproduisent les propositions d’influenceur·ceuses, à l’aide d’outils de création d’image qui aident à conformer de manière invisible leur corps à la norme désirée. Invisibiliser ces normes de représentation - dont la norme male-gaze fait partie - en interprétant ces images comme relevant uniquement d’un regard ou d’une intention, ne fait que renforcer leur pouvoir.

Renouvellement d’un outil de lutte

Laura Mulvey donnait à son travail une portée politique militante. Dès l’introduction de « Plaisir visuel et cinéma narratif », elle annonce « un usage politique de la psychanalyse » (Mulvey, 1975, p. 6), et « la destruction du plaisir [phallocentrique] comme arme radicale » (ibid., p. 7). Il peut paraître à première vue défavorable à la lutte pour l’égalité d’isoler une norme de représentation de la structure de domination des regards qui l’a révélée. Mon objectif est pourtant tout autre. Le concept de male gaze a été utilisé, vulgarisé, réutilisé, critiqué depuis 50 ans, par les études cinématographiques, par le féminisme noir (Hooks, 1992), par les études queer, pour soutenir la parité au cinéma (Le Collectif 50/50, 2022), etc. Il connaît aujourd’hui une grande diffusion dans le monde francophone non académique, notamment depuis le succès du livre « Le regard féminin : une révolution à l’écran » d’Iris Brey (2020). Dans cette effervescence, le sens du concept de male gaze est souvent flottant, et il est parfois difficile de comprendre le propos de celui ou celle qui l’utilise. En conséquence, le male gaze finit souvent par être réduit à une expression de moralité féministe, voire puritaine, sans aucune portée critique. Dans cette dernière partie, mon but est de montrer que la mise en évidence de la norme male-gaze de représentation permet de porter un propos politique clair, en restructurant les oppositions et les manières de lutter contre des représentations qui propagent un langage visuel sexiste.

En 2022, la réalisatrice Nina Menkes réalise un documentaire intitulé « Brainwashed, le sexisme au cinéma », dans lequel elle met en évidence, extraits de films à l’appui, que les thèses de Laura Mulvey sur la fétichisation des femmes à l’écran sont encore d’actualité. Quelques jours plus tard, le « Regard culturel », courte chronique de Lucile Commeaux sur France Culture, se positionne sur l’utilisation « aberrante » du concept de male gaze dans la critique de film, mettant en avant que l’utilisation de ce concept, en absence de toute contextualisation historique ou narratif, produit des critiques nécessairement vides de sens. L’illustration choisie pour montrer l’absurdité du concept est la comparaison entre deux scènes :

Nina Menkes fait défiler à l’écran des morceaux de films qui ne durent souvent pas plus de cinq secondes, sans les restituer jamais, ni dans le contexte de leur production, ni dans le récit global du film. Ça donne des séquences aberrantes - ce moment par exemple où elle utilise pour démontrer l’omniprésence de plans voyeuristes sur le corps d’un personnage qui ne se sait pas filmé, la scène d’ouverture d’Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, Nicole Kidman rentre chez elle, et debout fait glisser une élégante robe noire au sol sur l’air de la valse viennoise de Chostakovitch et […] le générique de Barbarella de Roger Vadim, où on voit Jane Fonda quitter sur une chanson pop rigolote une tenue de cosmonaute en alu pour se retrouver dans le plus simple appareil. À aucun niveau historique, théorique, critique, la comparaison ne fonctionne. (Commeaux, 2023)

En effet, à aucun niveau historique ou peut-être critique la comparaison ne fonctionne. Elle ne fonctionne que par abstraction du langage visuel utilisé à l’écran dans le traitement de ces deux personnages féminins. C’est justement parce que ces deux scènes n’ont absolument rien en commun à part ce langage visuel que cette comparaison met en évidence le traitement systématiquement différent des corps genrés à l’écran. Car s’il est possible de trouver des scènes voyeuristes sur des femmes qui se dénudent dans des films aussi différents qu’Eyes Wide Shut (Kubrick, 1999) et Barbarella (Vadim, 1968), il est en revanche peu de films où on voit des corps masculins se dénuder de la même manière. Le concept de norme devient ici opérant, là où le concept de male gaze compris comme « monopole d’une perspective genrée au cinéma » (Commeaux, 2023) rend en effet la comparaison peu explicative.

La norme, en tant qu’objet de lutte, permet de s’extraire de la question morale concernant l’image individuelle pour questionner la production visuelle comme véhicule de normes perceptuelles. On peut laisser de côté la question de savoir si la représentation visuelle d’un individu en tant qu’objet sexuel est éthiquement problématique ; et maintenir que, lorsque qu’un individu se voit imposer une manière de présenter son corps au monde et l’intériorise, il s’agit bien d’une perte de liberté. De plus, cette perte de liberté est subie, bien que différemment, par tous les corps, à la fois féminins et masculins. Tous les corps représentés se voient refuser un certain mode d’être au monde au risque de subir une forme de violence. Toujours la même violence : celle de la domination masculine sur les femmes. Car si les femmes se voient obligées d’adopter le rôle d’objet sexuel dans la société et d’en subir toutes les conséquences, dont le mépris et la violence, tout homme qui portera par son corps les attributs dévolus à ce rôle féminin subira d’un même coup le même mépris et la même violence. Les hommes se doivent de se conformer à la norme male-gaze tout autant que les femmes, au risque d’en subir également les conséquences violentes. Notons également la binarité obligatoire que porte cette norme, étant donné qu’il s’agit d’une norme qui distingue visuellement le masculin et le féminin. On peut oser alors une redéfinition du champ de la lutte, entre ceux qui servent la norme male-gaze par intérêt et ceux qui la subissent. La ligne de front n’est plus alors entre d’un côté les hommes qui regardent et de l’autre les femmes qui apparaissent — pour reprendre l’expression de John Berger - mais entre les acteurs économiques, politiques et sociaux qui ont intérêt à maintenir un contrôle des corps par l’image, et ceux qui ont tout à gagner à s’en émanciper.

Comment s’en émanciper ? La norme s’intériorise et agit parce qu’elle est omniprésente et invisible. Il y a donc deux axes de lutte : (1) lui disputer l’espace visuel avec des représentations différentes de corps genrés, des représentations hors-normes, et (2) la rendre visible en tant que norme. Ces deux propositions peuvent sembler contradictoire à première vue, mais la mise en évidence de la norme male-gaze souligne leur complémentarité.

Des représentations hors-norme

Dès l’article de 1975, Laura Mulvey soutient ce qu’elle appelle un « cinéma alternatif », qui « permet l’émergence d’un cinéma radical dans un double sens esthétique et politique, qui met en question les présupposés fondamentaux des films grand public » (pp. 7-8). En introduisant la norme male-gaze, on peut comprendre une représentation alternative comme une représentation qui ne se conforme pas — totalement ou partiellement — à l’ensemble des règles classiques de conversion entre l’image et le genre. La bonne nouvelle est que s’il n’y a qu’une seule manière de se conformer à la norme, il y a une infinité de manières de s’en distinguer. Donnons quelques exemples. Il peut s’agir de traiter visuellement tous les personnages, masculins comme féminins, de la même manière, soit en les traitant tous comme des sujets, soit en les traitant tous comme des objets du plaisir scopique sexuel. Mais l’égalité de traitement est loin d’être la seule solution. Un retournement des rôles genrés est également hors-norme, tout comme les inventions infinies qui mettent en scène les corps individuels dans des rôles et des postures aux marges des genres binaires classiques.

Ce champ du hors-norme est un espace à travailler, à organiser. Il s’agit de se poser la question de savoir quel rapport aux corps nous voulons pour nous-même et notre société. Cette question est initialement prise en charge par la norme male-gaze, qui la pense pour nous. S’en libérer appelle dès lors un travail de questionnement éthique et politique sur la représentation des corps, des genres et de la sexualité. La distinction entre « normalisation » et « normativité » de Pierre Niedergang (2023) me paraît faire ressortir exactement cet élément. La norme male-gaze s’est imposée comme la règle dominante à suivre socialement, dans un processus de normalisation. Si combattre la puissance de conformation de la norme male-gaze nécessite de s’en extraire et de la subvertir, il ne s’agit pas pour autant de rejeter toute forme de normativité. Il nous faut déterminer collectivement des valeurs à porter, et s’en inspirer pour créer des espaces hors-normes positifs, lisibles par des communautés qui cherchent à développer d’autres rapports aux corps. Le regard féminin d’Iris Brey en est une belle illustration : en refusant toute forme d’objectivation des corps, à la fois masculins et féminins, jusque dans le traitement des scènes de sexe au cinéma, Iris Brey (2020) propose un cadre normatif à une représentation des corps humains au cinéma. Ce cadre est assurément hors-norme.

Rendre visible la norme

Il ne faut pas sous-estimer la difficulté de produire des représentations hors-norme, car il s’agit de s’émanciper d’un langage visuel qui nous est bien souvent inconscient. Est-il alors possible de combattre une norme depuis l’intérieur de la norme ? Oui, en rendant la norme visible en tant que norme. C’est ainsi que j’interprète une des propositions finales de Laura Mulvey en 1975 :

La première offensive à mener contre les conventions monolithiques du cinéma traditionnel […] consiste à libérer le regard de la caméra en l’inscrivant dans sa matérialité temporelle et spatiale, et celui des spectateurs en cultivant la dialectique et le détachement passionné (Mulvey, 1975, p. 18)

Le regard de la caméra, qui se faisait dispositif transparent pour mieux produire des plaisirs narcissiques et scopiques, doit retrouver de la matérialité. Il s’agit donc de rendre visible la fabrication de l’image en tant qu’image, pour que celle-ci devienne proposition consciente aux yeux du spectateur, et pas reflet imaginaire d’une réalité faussement « naturalisée ». En créant de la distance entre l’image et les spectateur·trices, ces dernier·es peuvent avoir un regard critique et ne pas intérioriser la norme comme naturelle. On retrouve ici la proposition de distanciation de Bertolt Brecht (1948), qui visait à encourager la réflexion critique et la prise de conscience des mécanismes sociaux et politiques en jeu dans la représentation théâtrale, en déployant des techniques de mise en évidence de la représentation en tant que représentation. Il a été défendu ailleurs que cette invisibilisation de la norme, qui rendrait captif le ou la spectateur·trice d’une interprétation codée dans le langage visuel est une abstraction fausse de la réception réelle, toujours beaucoup plus complexe et libre, d’un contenu visuel par un individu spécifique (Cervulle, 2023). Si c’est le cas, tant mieux. C’est par là qu’une résistance perceptuelle pourra émerger contre les outils toujours plus automatisés de production d’images.

Conclusion

Dans cet article, j’ai proposé une nouvelle analyse du concept mulveyen de male gaze tel que développé dans l’article séminal de 1975. Comme la plupart des innovations conceptuelles, la formulation initiale de l’autrice porte en elle plusieurs dimensions que je me suis efforcée de distinguer pour isoler la dimension de norme de représentation. Cette dernière, que j’ai par la suite nommée norme male-gaze, mérite notre plus grande attention à l’heure des enjeux actuels de production et de diffusion d’images de corps. J’ai montré comment cette norme male-gaze n’est pas à proprement masculine mais plutôt hétéronormative et sexiste et contrôle tous les corps. J’ai mis en évidence certaines caractéristiques de la norme qui la rendent difficile à saisir — et donc difficile à combattre : son invisibilité et son intériorisation par les individus qui d’une part perçoivent comme naturelles les images conformes à la norme, et d’autre part se conforment eux-mêmes à la norme dans leurs gestes de production d’images de corps. Plusieurs routes se dessinent pour l’avenir de la recherche à ce propos.

De mon côté, et avec ma double casquette de psychophysicienne et philosophe de la perception, je m’interroge sur le processus d’internalisation et je me demande dans quelle mesure cette norme influence jusqu’à nos mécanismes perceptifs les plus précoces, ceux qui déterminent le visible et l’invisible. D’une certaine manière, je cherche à rendre visible la norme perceptuelle de représentation des corps au niveau psychique. Pour l’heure, je défends que la notion de norme male-gaze est un outil de lutte qui permettrait à tous les corps et tous les regards de lutter ensemble contre l’imposition d’une norme visuelle patriarcale. Lutter ensemble ne veut pas nécessairement dire lutter de la même manière. La norme s’impose en effet différemment à tous·tes, parce qu’elle associe des valeurs différentes aux corps genrés. Rendre visible le male gaze en tant que norme permet de changer la vision du champ de lutte, de l’attaquer par différents fronts, d’approfondir toutes les marges. Cela permet aussi de déterminer où chacun d’entre nous se situe par rapport à la norme, afin d’identifier quelle perspective elle donne à notre propre regard.

Conflits d’intérêts

Aucun conflit d’intérêt déclaré.

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Notes

1 Je remercie Marie-Lou Reymondon, Aurore Franco, Vincent Haasser, Louis Rouillé et Elie Grinfeder pour leur aide dans l’élaboration de ce texte, ainsi que les organisateurs et participants de la journée « Éléments de philosophie féministe » de l’Académie de Normandie du 12 septembre 2022 à Mont-Saint-Aignan. Je remercie également les deux évaluateurs anonymes de la revue pour leurs retours sérieux et enthousiastes. Retour au texte

2 Le titre original est « Visual pleasure and narrative cinema ». La traduction utilisée pour les citations est celle de Florent Lahache et Marlène Monteiro, publié dans « Au-delà du plaisir visuel », en 2017, aux éditions Mimésis. La pagination est celle de l’article original. Retour au texte

3 Ce phénomène du « regard sexualisant » n’est pas exclusivement vécu par des femmes, mais également par d’autres minorités hypersexualisées dans l’espace et l’imaginaire social. C’est le cas par exemple d’hommes faisant partie à la fois de minorités sexuelles et raciales, confrontés au fétichisme sexuel. Dans une étude sur le racisme sexuel dans le milieu gai québécois, plus de la moitié des hommes gais racisés interrogés ont déjà « eu l’impression d’être vu comme un objet sexuel par les hommes blancs » (Corneau et al., 2017, p. 133). Retour au texte

4 Traduction personnelle, revue par Elie Grinfeder. Retour au texte

5 Ces émissions ont été sous-titrées en français par Louis Rouillé et disponible en libre accès sur le site internet de l’Académie de Normandie. Retour au texte

6 La profondeur de champ correspond à la zone de netteté d’une image. Une grande profondeur de champ donne à voir un personnage dans son environnement, là où une petite profondeur de champ se focalise sur le sujet, en floutant l’arrière-plan. Retour au texte

7 Je reprends ici le terme à Laura Mulvey, qui appelle ainsi les scènes dans lesquelles une femme s’offre en spectacle à l’intérieur même du récit (Mulvey, 1975, p. 12). Elle prend comme exemple paradigmatique la première apparition de Marilyn Monroe dans La rivière sans retour (Preminger, 1954) ou les scènes chantées de Lauren Bacall dans Le port de l’angoisse (Hawks, 1944). Pour actualiser les références, on peut citer la séquence dans la boite de nuit de Mektoub My Love : canto uno (Kechiche, 2017). Retour au texte

8 Un champ-contrechamp au cinéma est une alternance de plans où une scène est filmée sous un certain angle, puis sous un angle opposé (à 180° du premier). Cette technique est beaucoup utilisée pour filmer les dialogues. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Géraldine Carranante, « Du regard masculin à la norme male gaze », Psychologies, Genre et Société [En ligne], 4 | 2025, mis en ligne le 05 juin 2025, consulté le 28 juillet 2025. URL : https://www.psygenresociete.org/483

Auteur·ice

Géraldine Carranante

Docteure en philosophie des sciences cognitives, Géraldine Carranante est actuellement A.T.E.R. à Nantes Université et chercheuse associée au CAPhi (Centre Atlantique de philosophie). Son objet d’étude principal est la perception humaine et son étude par les sciences cognitives contemporaines. Sa thèse, soutenue en 2020 à l’École Normale Supérieure, entend montrer que le concept scientifique de « perception » est multiple et que l’interdisciplinarité à son propos nécessite une forme de traduction conceptuelle. Elle est par ailleurs formée à la psychophysique et s’intéresse à l’apprentissage perceptuel sous l’effet des normes sociales.

Droits d’auteur·ices

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