Poststructuralisme féministe et analyse du discours : contribution à la psychologie féministe

  • Feminist poststructuralism and discourse analysis: Contributions to Feminist Psychology

Résumés

Dans cet article, je suggère que le poststructuralisme féministe (Weedon, 1987) recèle un potentiel remarquable pour les psychologues féministes qui cherchent de meilleurs moyens de théoriser le genre et la subjectivité. Certains éléments clefs de cette perspective théorique sont examinés, parmi lesquels le savoir compris comme production sociale et comme intrinsèquement instable, le rôle prépondérant du langage et du discours, ainsi que le décentrement du sujet. L’analyse du discours est abordée comme une méthode de travail qui s’accorde avec la théorie poststructuraliste féministe. Afin d’illustrer cette approche, je présente un exemple issu de mon travail sur la coercition sexuelle telle qu’elle s’exerce sur les femmes dans le contexte des relations hétérosexuelles.

In this article I suggest that feminist poststructuralism (Weedon, 1987) is of great potential value to feminist psychologists seeking more satisfactory ways of theorizing gender and subjectivity. Some key elements of this theoretical perspective are discussed, including an understanding of knowledge as socially produced and inherently unstable, an emphasis on the importance of language and discourse, and a decentering of the subject. Discourse analysis is discussed as one way of working that is consistent with feminist poststructuralist theory. To illustrate this approach, an example is presented from my work on the sexual coercion of women within heterosexual relationships.

Plan

Notes de la rédaction

Le texte qui suit est une traduction d’un article publié en anglais par Nicola Gavey (1989), dans la revue Psychology of Women Quarterly. Cette publication a eu lieu dans un contexte de rapprochement entre le féminisme et le poststructuralisme au sein des sciences humaines et sociales pour penser la construction de la réalité à partir du langage. Comme le rappellera Gavey (2011) vingt ans plus tard, son article constituait une tentative de promouvoir ce rapprochement théorique à l’intérieur d’une psychologie dominée par le positivisme. Il s’agissait, selon elle, de sortir de la méthode expérimentale et de son réductionnisme empirique pour introduire des outils permettant de mieux appréhender les relations entre le langage et l’expérience vécue dans le contexte de cultures patriarcales structurées par nombre de contradictions discursives.

Un bon exemple de mise en application d’une telle perspective peut être trouvé dans le cas du viol commis par des hommes envers des femmes, un sujet sur lequel Gavey a longuement travaillé et qui sert d’illustration pratique dans le présent texte. En reprenant la thèse foucaldienne selon laquelle le pouvoir façonne des sujets capables de conformer leurs manières d’agir et de penser hors de toute contrainte physique, l’autrice interroge les situations où le consentement apparent au rapport sexuel peut être conditionné par un ensemble de pratiques discursives convergeant toutes vers un même effet : une coercition qui ne dit pas son nom alors même qu’elle incite à céder aux avances et aux négociations masculines. Les analyses de Gavey sur cette question sont d’autant plus intéressantes qu’elles ne tombent pas dans la caricature d’un poststructuralisme qui ne verrait la réalité sociale que sous le prisme d’une réalité textuelle ou discursive oblitérant toute matérialité. Ainsi prête-t-elle toujours attention à la contextualité des discours, les interprétant en regard des structures sociales patriarcales qui les forment en vue de maintenir l’exploitation hétérosexuelle.

Si nous publions la traduction de cet article quelque trente ans après sa publication originale, c’est parce que nous pensons que les raisons ayant motivé Gavey à l’écrire demeurent d’actualité dans une psychologie où le positivisme ne semble pas avoir reculé. En offrant à la discipline une introduction accessible au poststructuralisme féministe, qui constitue une façon particulière de penser la construction sociale de l’expérience par le langage, l’autrice contribue à l’élargissement du champ des possibles épistémologiques et par là même encourage la créativité de la recherche et la transgression des frontières disciplinaires.

Texte

Dans cet article1, je discute du poststructuralisme féministe (Weedon, 1987) qui recèle à mon avis un potentiel remarquable pour les psychologues féministes. Les fondements théoriques du poststructuralisme féministe sont à l’origine transdisciplinaires et radicalement différents de ceux de la plupart des travaux de psychologie. Ce courant est cependant étroitement lié à certaines démarches poststructuralistes en psychologie et à des orientations récentes en direction d’une psychologie postmoderne2 (Antaki, 1988 ; Gergen, 1985, 1988 ; Hare-Mustin et Marecek, 1988 ; Henrikes, Hollway, Urwin, Venn et Walkerdine, 1984 ; Sampson, 1985 ; Shotter et Gergen, 1989 ; Walkerdin, 1986). Bien que je destine spécifiquement cette contribution à des psychologues, les approches poststructuralistes ne sont pas attachées à des disciplines spécifiques. C’est pourquoi tout « confinement » de la discussion à l’intérieur de la « psychologie » serait artificiel.

L’analyse du discours est une approche compatible avec la théorie poststructuraliste féministe. J’examinerai cette « méthode » et produirai un exemple d’analyse du discours issu de ma recherche sur la coercition sexuelle en tant qu’elle s’exerce sur les femmes dans le cadre des relations hétérosexuelles.

Le poststructuralisme féministe

Le poststructuralisme renvoie à un ensemble peu structuré de positions théoriques, entre autres influencées par la linguistique postsaussurienne, le marxisme (en particulier la théorie de l’idéologie d’Althusser), la psychanalyse (notamment les réélaborations de Lacan), le féminisme, les « nouvelles féministes françaises » (Kristeva, Cixous et Irigaray), ainsi que le travail de Derrida, de Barthes et de Foucault. Chris Weedon (1987) a déclaré que le poststructuralisme offrait un fondement conceptuel profitable à la pratique féministe. Elle a décrit le poststructuralisme féministe comme « un mode de production du savoir qui utilise les théories poststructuralistes du langage, de la subjectivité, des processus et des institutions sociales dans le but de comprendre les relations de pouvoirs existantes et d’identifier les espaces et les stratégies de changement » (pp. 40-41).

Dans les sections suivantes, j’examine le poststructuralisme féministe dans son rapport aux psychologies féministes et j’expose brièvement ce que je considère être ses concepts clefs. Un tel travail, qui tente d’identifier certaines des « caractéristiques clefs » du poststructuralisme (dans le cas qui nous occupe, au moins dans leur relation à la psychologie), repose sur des bases quelque peu fragiles. Il court le risque de figer et de simplifier excessivement les idées, et par conséquent de les présenter sous une forme potentiellement stationnaire et dénuée de radicalité, qui en ferait un nouveau dogme à adopter. Certaines personnes qui travaillent selon des orientations poststructuralistes seraient réticentes à appliquer à leur approche le label « poststructuraliste ». Un élément crucial du poststructuralisme est sa résistance à la définition, et même à l’identification, probablement parce que de telles pratiques représentent une tentative de fixer une essence qui n’existe pas.

La relation aux psychologies féministes

Les initiatives féministes au sein de la psychologie ont eu tendance à s’inscrire dans la tradition de recherche dominante de la psychologie positiviste et empiriste (Lykes et Stewart, 1986, Wallston et Grady, 1985). Pourtant, la critique féministe des sciences sociales positivistes met en question certains présupposés essentiels de ces approches. Par exemple, la possibilité et les vertus d’une recherche objective, « dénuée de valeurs », la validité de la recherche en laboratoire, la relation entre le/la chercheur e et l’enquêté·e (et la relation de pouvoir entre les deux), la mystification de « l’expertise » scientifique, sont toutes mises en question par les critiques féministes (Bogard, 1988 ; Hoff, 1988 ; Kitzinger, 1987 ; Wallston, 1985 ; Wallston et Grady, 1985 ; Wilkinson, 1986 ; Yllo, 1988).

La psychologie dominante peut être comprise comme inscrite dans la tradition humaniste libérale, laquelle est si répandue dans la société occidentale contemporaine qu’elle est rarement reconnue et interrogée en tant que « foi fondamentale » (Kitzinger, 1987, p. 192). Ce manque de reconnaissance n’est pas surprenant puisque l’humanisme libéral représente le plus souvent le fondement théorique du « sens commun » (Belsey, 1980 ; Weedon, 1987). Il part du principe selon lequel les individus auraient en partage une essence humaine naturelle et unique (Weedon, 1987). Il met aussi l’accent sur la rationalité et « la dignité de l’individu et de ses droits inaliénables à la justice, la liberté, la vie privée, la liberté de penser et la poursuite du bonheur sans distinction de couleur, de classe, de croyance ou de genre » (Kitzinger, 1987, p. 191). Comme l’a affirmé Celia Kitzinger (1987), « la personnalisation du politique est réalisée » à travers « le prisme individualiste de la psychologie libérale contemporaine » (p. 37). Ainsi, par exemple, bien que les valeurs libérales et humanistes ne soient pas indignes, l’absence de préoccupation métathéorique pour la question du pouvoir les rend insuffisantes.

Ces présupposés humanistes sont partagés y compris par certaines initiatives en psychologie féministe, dont le lien à la psychologie dominante est pourtant ténu (Belenky et al., 1986). Par exemple, dans ces analyses comme dans d’autres analyses féministes, on privilégie l’expérience des femmes et on insiste énormément sur elle, en la considérant la plupart du temps, au moins de façon tacite, comme universelle et transhistorique, comme une entité pure et substantielle. Le langage des femmes est considéré comme le reflet transparent de leur expérience propre de femmes. Ainsi, le fait de parler « à partir de l’expérience » revêt une autorité quasiment incontestable dans la plupart des discours féministes. L’importance du langage en tant que processus constitué demeure largement ignorée.

Une approche poststructuraliste de l’expérience serait radicalement différente. Elle supposerait que « l’expérience n’a pas de signification essentielle et intrinsèque » (Weedon, 1987, p. 34) et que « dans la mesure où elle est signifiante, l’expérience est constituée par le langage » (Weedon, 1987, p. 85 ; voir aussi Belsey, 1980 ; Whetherell, 1986). Cela ne signifie pas que l’expérience n’existe pas, ou qu’elle n’aurait pas d’importance, mais plutôt que les manières dont nous la comprenons et l’exprimons ne sont jamais indépendantes du langage.

L’insistance féministe sur l’expérience des femmes est déterminante en tant que stratégie politique qui a donné une voix à l’oppression des femmes, ainsi qu’à la résistance aux injonctions patriarcales. Beaucoup de féministes sont particulièrement engagées à privilégier l’expérience féminine en la redéfinissant de façon positive. D’après Derrida (cité dans Culler, 1982), cette tentative de renversement de la relation hiérarchique entre hommes et femmes représente une étape importante de la déconstruction de la hiérarchie. Mais les théories féministes qui se maintiennent dans cette posture offrent une façon finalement bien moins radicale de contester le discours et le pouvoir patriarcaux, parce ce qu’elles évoluent « de façon parallèle au discours hégémonique » (Weedon, 1987, p. 110) et adhèrent aux termes préexistants du débat. Comme l’a noté Patti Lather (1988), nous avons « besoin d’affronter la problématique postmoderne de la soif des récits autorisés, si nous ne voulons pas demeurer partie prenante d’un problème dont nous prétendons être la solution » (p. 577). La théorisation féministe qui postule des qualités essentielles pour les femmes et les hommes peut conduire au soutien du statu quo (même s’il s’agit de valoriser les qualités féminines). La subversion requiert la contestation plutôt que la préservation acritique des pratiques et des formes de subjectivité requises par les institutions sociales existantes (comme les façons d’être, les identités, les désirs, les manières de se comporter, etc.) (Weedon, 1987).

Le poststructuralisme féministe n’est pas nécessairement incompatible avec d’autres formes de féminisme. Par exemple, à travers son insistance sur les spécificités sociales et historiques, il partage des préoccupations communes avec certaines théories féministes socialistes. En outre, le poststructuralisme féministe approuve la reconnaissance féministe du besoin de consciousness-raising3 ou de « transformation subjective » (Henriques et al., 1984, p. 7) comme conditions d’un changement social significatif. En fait, certaines autrices féministes situent explicitement le féminisme à l’intérieur du postmodernisme en général (Flax, 1987). D’autres estiment que les poststructuralistes ne font que répéter ce que les féministes ont toujours dit (Bowles, 1984). Cela témoigne incontestablement de l’important terrain d’entente entre le féminisme et le poststructuralisme en général, en éclairant la futilité de toute dichotomie entre les deux mouvements.

Approches du langage

La théorie poststructuraliste rejette la possibilité d’une vérité et d’une objectivité absolues. Comme les féministes l’ont fait observer, les conceptions dominantes de la réalité et de la vérité dans la société occidentale patriarcale se sont tendanciellement constituées comme des conceptions masculines, reflétant et perpétuant les intérêts du pouvoir masculin. Les enquêtes féministes sur nos réalités propres, en tant que femmes, ont produit des vérités différentes, jetant ainsi le soupçon sur l’idée d’une réalité et d’une vérité univoques. De la même manière, du point de vue structuraliste, le savoir est considéré comme socialement construit, selon « un type de production spécifique, avec des relations déterminées au monde social et matériel » (Venn, 1984, p. 150). Le savoir est transitoire et intrinsèquement instable. Il y a peu, si tant est qu’il en existe, de vérités universelles. Plus encore, le savoir n’est pas compris comme neutre, mais comme étroitement associé au pouvoir. Ceux qui ont le pouvoir de définir ce qui compte comme vérité sont en position de maintenir leur accès au pouvoir et aux avantages matériels.

Au sein du poststructuralisme, la pluralité de significations est bienvenue. La science traditionnelle est considérée comme un discours parmi de nombreux autres. En tant que moyen d’accès à la vérité et au savoir, elle n’est ni plus ni moins valide que d’autres formes discursives telles que la littérature. Bien que la méthode scientifique traditionnelle puisse être utilisée pour sa puissance rhétorique ou pour son efficacité dans le traitement des problèmes technologiques, elle n’est pas considérée comme un moyen d’accès supérieur au savoir et à la vérité. Elle n’est pas privilégiée en tant que meilleure ou seule approche, comme c’est le cas dans la psychologie dominante.

La structure de la réalité supposée dans la plupart des investigations scientifiques est différente de celle présumée dans le poststructuralisme. Comme l’a remarqué Jonathan Culler (1982), « les structuralistes sont convaincus de la possibilité d’un savoir systématique ; les poststructuralistes déclarent ne connaître d’un tel savoir que son impossibilité » (p. 22). Mais si une vision du monde ne présuppose pas l’existence d’une structure de la réalité fixe et universelle qui serait disponible à la découverte (par exemple la nature ou l’évolution humaine), alors la finalité de la recherche et de l’érudition pose question. Certaines féministes estiment que le but, d’ordre politique, est la libération des femmes (Acker et al., 1983 ; Jaggar, 1983). De façon analogue, le constructionnisme, partie prenante du mouvement postmoderne se développant en psychologie, réaffirme la pertinence des critères moraux pour la pratique scientifique (Gergen, 1985). Pour le féminisme poststructuraliste, les objectifs de la recherche comprendraient le développement de compréhensions ou de théories historiquement, socialement et culturellement spécifiques, et explicitement liées au changement des rapports oppressifs de genre. Plutôt que de « découvrir » la réalité, de « révéler » la vérité, ou de « dévoiler » les faits, le poststructuralisme féministe s’attache à perturber et à bousculer les savoirs dominants (en tant que savoirs oppressifs).

Langage

Ces approches du savoir sont liées à la proposition poststructuraliste selon laquelle tout sens et toute connaissance sont constitués de façon discursive, à travers le langage et d’autres pratiques signifiantes (Belsey, 1980 ; Weedon, 1987 ; voir aussi Black et Coward, 1981). Toute interprétation ou compréhension d’un objet ou d’un événement est rendue disponible au prisme d’un discours particulier concernant cet objet ou cet événement ou se rapportant à eux.

Le poststructuralisme féministe se fonde sur la compréhension du fait que le langage (et le discours) constitue l’étoffe de la subjectivité. La signification est constituée de manière active à travers le langage, elle n’est donc jamais ni fixe ni essentielle. Les significations surgissent de la différence et des distinctions, et non d’essences et de substances immédiatement données (Sampson, 1985, 1989). De plus, « le langage courant n’est pas innocent et neutre », mais « truffé de présupposés de la métaphysique occidentale » (Coward et Ellis, 1977, p. 123). Cette conception du langage marque un contraste notable avec la conception humaniste et libérale d’un langage transparent et expressif, reflétant et décrivant purement et simplement une subjectivité (préexistante) et l’expérience humaine du monde.

Discours

Le poststructuralisme féministe de Chris Weedon est particulièrement influencé par l’idée foucaldienne selon laquelle le langage est toujours situé à l’intérieur d’un discours. Le discours désigne un « système d’énoncés [interdépendants] qui s’articulent autour de significations et de valeurs communes… [et] sont le produit de facteurs sociaux, de pouvoirs et de pratiques, plutôt que de l’ensemble des idées d’un individu » (Hollway, 1983, p. 231). Il s’agit d’un concept large qui est en constante évolution et qui renvoie à une manière d’élaborer le sens qui est spécifique à des groupes, à des cultures et à des périodes historiques déterminées. Selon Weedon (1987), le discours représente un principe structurant de la société, constitutif des institutions sociales, des modes de pensée et de la subjectivité individuelle, en même temps qu’il est reproduit en elles. Ainsi, par exemple, la production discursive du désir d’être une « bonne mère » — qui revêt des implications matérielles et politiques spécifiques pour les femmes — impliquerait des éléments concrets comme « les livres sur le soin des enfants, les visites à l’hôpital, les contrôles médicaux de routine, les techniques de normalisation qui définissent la santé ou le développement maternels satisfaisants, etc. » (Henrique et al., 1984, p. 106). C’est à travers le discours que s’exerce le pouvoir matériel et que les relations de pouvoir sont instaurées et perpétuées. Et, en même temps, chaque discours est « le résultat d’une pratique de production qui est simultanément matérielle, discursive et complexe, et qui s’inscrit toujours en relation avec d’autres pratiques de production de discours » (Henrique et al., 1984, p. 106). Le poststructuralisme féministe continue de mettre l’accent sur les fondements matériels du pouvoir (par exemple les dispositifs sociaux, économiques et culturels) et sur le besoin de changement au plan du discours. Cet accent et cette insistance distinguent le poststructuralisme féministe de certaines approches structuralistes hautement abstraites et qui semblent « apolitiques » (Weedon, 1987).

Les discours sont multiples, et offrent des moyens concurrents, parfois contradictoires, de donner du sens au monde. Les discours offrent des « positions de sujets » susceptibles d’être adoptées par les individus (Hollway, 1984 ; Weedon, 1987). Ces positions ou « possibilités » pour l’élaboration de la subjectivité — des identités, des comportements ou des compréhensions du monde —, varient en fonction du pouvoir qu’elles offrent aux individus. Les discours diffèrent du point de vue de leur autorité. Les discours dominants apparaissent « naturels », en déniant leur propre partialité et en acquérant leur autorité par l’appel au sens commun. Par exemple, le pouvoir de systèmes de significations comme le féminisme est présentement limité en raison de la marginalisation de ces systèmes et de leur indisponibilité à de nombreuses femmes en tant que « positions de sujet ».

Les individus ne sont pas pour autant passifs. Ils sont au contraire actifs et ont le « choix » de se positionner relativement à différents types de discours. Par exemple, les femmes peuvent s’identifier ou se conformer aux constructions discursives traditionnelles sur la féminité, ou bien y résister, les rejeter et les contester (dans une mesure plus ou moins large). Toutefois, ce n’est pas qu’une question de choix rationnel. Chris Weedon a suggéré que la conscience, conçue comme fragmentaire et contradictoire, est le produit d’une bataille discursive dont l’enjeu est la subjectivité de l’individu. Si des femmes ont par exemple choisi le féminisme comme système de significations préférable pour comprendre leur vie dans cette société et à cette époque, en dépit de ce choix, certains aspects de la subjectivité féministe d’une femme peuvent demeurer genrés selon une conception traditionnelle de la féminité, et une femme féministe peut conserver des désirs et des attitudes incompatibles avec les buts du féminisme (voir Coward, 1984).

Subjectivité

La subjectivité est constituée ou construite à travers le langage et le discours. Elle désigne « les pensées conscientes et inconscientes, les émotions de l’individu, son sens d’elle-même et ses manières de comprendre sa relation au monde » (Weedon, 1987, p. 32).

La psychologie occidentale considère en général l’individu comme doté par essence d’une nature et d’une subjectivité cohérentes et uniques. Ce n’est pas le cas du poststructuralisme. Le poststructuralisme entend « décentrer le sujet », ne plus mettre l’accent sur l’individu en tant qu’origine et garant de la signification, ou agent « pleinement conscient et présent à soi » (Sampson, 1989, p. 14). En contradiction directe avec les affirmations humanistes portant sur le moi cohérent et rationnel, le poststructuralisme propose l’idée d’un sujet fragmentaire, incohérent et contradictoire. Le poststructuralisme dénie donc à l’expérience individuelle sa supposée authenticité. Il rejette également l’existence d’une nature féminine essentielle, conception importante dans certains discours féministes. À la place, il propose « une contextualisation de l’expérience ainsi qu’une analyse de son élaboration et de son pouvoir idéologique » (Weedon, 1987, p. 125). Il est par conséquent capable d’appréhender les contradictions dans l’expérience, telles que la présence de désirs et d’attitudes incompatibles avec la libération des femmes, chez des femmes qui se considèrent féministes. Comme l’a noté Weedon, le poststructuralisme a pour avantage de reconnaître « la connaissance consciente de la nature contradictoire de la subjectivité [et] permet d’introduire un choix d’ordre politique entre plusieurs modes de féminité dans différentes situations, et entre des discours dans lesquels ces modes acquièrent leur signification » (p. 87). Il est donc possible d’éviter la négation des désirs susceptibles d’être incompatibles avec la libération, et « de les comprendre plutôt en tant qu’ils sont produits, et donc au moins potentiellement modifiables » (Henriques et al., 1984, p. 219).

L’expérience comme texte

La critique littéraire est sans doute le champ dans lequel la théorie poststructuraliste s’est le plus développée (Belsey, 1980 ; Culler, 1982). L’approche poststructuraliste du texte de fiction considère ce dernier comme l’incarnation de différents discours disponibles dans le contexte social, culturel et historique propre à leur auteur. Dès lors que l’auteur est considéré comme le reproducteur d’un discours plutôt que le créateur d’une pensée inédite, la notion traditionnelle d’auctorialité se voit contestée (Barthes, 1987 ; Foucault, 1979). Les textes littéraires fournissent de nombreux exemples de discours en circulation à une époque et dans une culture données, mais ils ne sont pas considérés comme dépositaires de vues originales sur la nature humaine « fondamentale » ou sur les processus sociaux. Le poststructuralisme met plutôt l’accent sur la pratique de la lecture, et reconnait la possibilité de lectures nombreuses et variées d’un même texte. Il n’y a pas de sens essentiel « véridique » logé dans un texte, mais des significations différentes, construites à l’occasion de chaque lecture.

Il est possible d’établir des comparaisons entre le processus d’analyse et de compréhension de la littérature, d’une part, et le processus d’analyse et de compréhension des comportements des individus ou des récits de leur expérience, d’autre part (Potter et al., 1984). Le langage étant constitutif de la subjectivité, la fiction tout comme le récit de soi individuel sont des modalités de cette constitution. Au moins deux éléments importent ici du point de vue de la psychologie. Premièrement, la notion d’expérience (ou de comportement, de récit de soi, etc.) comme texte implique d’approcher les récits et les comptes-rendus de nos enquêté·es comme des productions discursives et non comme des reflets — fidèles, déformés, ou autre —, de leur expérience « authentique ». Deuxièmement, l’intérêt poststructuraliste pour la lecture et les significations multiples des textes nous rappelle que notre compréhension (notre lecture) des données de recherches représente la constitution réelle de ces données, pour autant qu’elles soient significatives, et cette compréhension est contrôlée par notre localisation à l’intérieur de différents types et discours, par exemple scientifiques, humanistes, théoriques, féministe, etc.

L’analyse du discours

À mesure que se développent de nouvelles compréhensions théoriques, la façon de travailler se modifie. L’analyse du discours est une façon de travailler en accord avec une perspective poststructuraliste féministe. Cet article présente l’analyse du discours comme un outil d’analyse critique parmi d’autres, mais ne la prescrit en aucun cas comme « la » méthode nouvelle à suivre.

L’analyse du discours désigne un ensemble de méthodes qui ont été utilisées par des travailleurs et des travailleuses au moyen de différentes théories du langage et de façon variable (van Dijk, 1985). La forme particulière d’analyse du discours que je présente, implique d’identifier les discours sociaux à la disposition des femmes et des hommes dans une culture et une société données, à une époque donnée. Ces discours fournissent des positions de sujet qui déterminent nos subjectivités, et qui soit reproduisent, soit contestent, les relations de genre existantes (Hollway, 1984 Walkerdine, 1986). Une attention particulière sera accordée au contexte social du langage ainsi qu’à sa relation aux structures de pouvoir ou à sa fonction spécifique en leur sein. Un de nos objectifs est de fournir des analyses détaillées et historiquement situées qui permettront « d’expliquer le fonctionnement du pouvoir pour le compte d’intérêts spécifiques et d’analyser les opportunités d’y résister » (Weedon, 1987, p. 41).

Jonathan Potter et Margaret Wetherwell (1987) notent l’une des caractéristiques communes à toutes les formes d’analyse du discours :

Le discours des participants ou les textes sociaux sont considérés pour eux-mêmes et non comme une simple voie d’accès aux choses situées « en-deçà » du texte, comme les attitudes, les événements ou les processus cognitifs. Le discours est traité comme un médium puissant, orienté vers l’action, et non comme un canal d’information transparent. (p. 160)

L’analyse du discours exige la lecture attentive des textes — des transcriptions de conversations ou d’entretiens, de documents ou d’enregistrements existants, ou même de pratiques sociales plus générales —, afin de discerner des modèles discursifs de significations, de contradictions et d’incohérences. Il s’agit d’une approche qui identifie et nomme les processus langagiers dont les personnes font usage pour forger leur propre compréhension des phénomènes sociaux et personnels, ainsi que celle des autres. Ces processus sont liés à la reproduction ou à la contestation de la répartition du pouvoir entre les groupes sociaux et au sein des institutions. L’analyse du discours part du principe que ces processus n’ont rien de statique, qu’ils ne sont pas fixes et ordonnés, mais bien plutôt fragmentés, incohérents et contradictoires.

Si la discussion qui précède de l’analyse du discours peut sembler vague, c’est sans doute parce qu’il n’y a ni recette ni formule toute faite à disposition. Il s’agit d’une forme d’analyse attentive à la fois au détail dans le langage, et à la situation sociale plus large. Potter et Wetherwell (1987) ont souligné que, du point de vue de la psychologie sociale,

il n’y a pas de méthode d’analyse du discours au sens traditionnel de la méthode expérimentale ou de la méthode d’analyse de contenu. Ce dont nous disposons, c’est d’un cadre théorique général concernant la nature du discours et son rôle dans la vie sociale, ainsi que d’un ensemble de propositions sur la manière dont le discours peut être le mieux étudié et dont les autres peuvent être convaincus de l’originalité des découvertes. (p. 175)

De la même façon qu’il n’y a pas de méthode au sens courant de la psychologie, les critères d’évaluation des formes de discours poststructuralistes n’entretiennent que peu de ressemblance avec les pratiques d’évaluation traditionnelles dans la psychologie dominante (pour une discussion sur l’évaluation de l’analyse de discours, voir Potter et Wetherwell, 1987).

Les expériences féminines de la coercition sexuelle dans les relations hétérosexuelles : une approche à partir de l’analyse discursive

Dans cette section, je présente un exemple d’analyse du discours issu de ma recherche consacrée aux expériences féminines de la coercition sexuelle dans les relations hétérosexuelles. Une des visions de la violence sexuelle soutient qu’elle existe sur fond d’un continuum de pratiques normatives hétérosexuelles, socialement construites comme impliquant un partenaire masculin actif et entreprenant, d’une part, et une partenaire féminine passive et réceptrice, d’autre part (Gavey, 1988 ; Jackson, 1978 ; MacKinnon, 1983). Selon cette perspective, la distinction arbitraire entre ce qui est « un viol » et ce qui « n’est pas un viol », et entre la « coercition sexuelle » et « la sexualité hétérosexuelle non coercitive », fait peu de sens. La majorité des cas identifiés de viol ou d’abus sexuel ont lieu dans le cadre ce que l’on a appelé « les relations hétérosexuelles légitimes » (Gavey, 1988) ou des « relations potentiellement appropriées » (Estrich, 1987, voir aussi Russell, 1982, 1984). C’est pourquoi il importe d’examiner l’éventail complet de la coercition sexuelle qui survient à l’intérieur de telles relations. Cet éventail inclut des phénomènes très peu discutés comme la coercition sociale — par exemple, le fait d’avoir des relations sexuelles uniquement pour éviter de paraître « frigide » ou ringarde — et la coercition interpersonnelle — par exemple, avoir des relations sexuelles parce que c’est la seule manière de mettre un terme à la supplication continuelle d’un homme (Finkeldor et Yllo, 1983). Ces formes de coercition, davantage normatives, incluent des situations dans lesquelles les femmes paraissent consentir à participer à une interaction, bien qu’elles ne le veuillent pas. Certaines de ces formes de coercition, en particulier la coercition sociale, sont rarement analysées dans la littérature dédiée à la violence sexuelle. Cette situation résulte, d’après moi, du fait qu’un tel comportement est considéré comme naturel dans le discours dominant sur l’hétérosexualité.

Ma recherche entend repérer, à l’intérieur des récits des expériences féminines de la coercition hétérosexuelle, leur liaison à des discours spécifiques sur la sexualité et sur la violence sexuelle en particulier, et sur les relations interpersonnelles et de genre en général.

Je présente un peu plus loin quelques extraits d’un entretien avec une femme concernant ses expériences de la coercition hétérosexuelle (Encadré 1). Sue Davis (il s’agit d’un pseudonyme) est une femme pakeha4 âgée de trente-cinq ans au moment de l’entretien. La conversation concerne un incident rapporté en réponse à la question suivante : « Avez-vous déjà eu une expérience sexuelle, avec laquelle, avec du recul, vous êtes désormais mal à l’aise ou que vous regrettiez d’une quelconque façon ? ». L’incident a eu lieu quatorze ans plus tôt, alors que Sue était âgée de 21 ans. Dans la mesure où elle se décrit comme ayant « consenti » à avoir un rapport sexuel (« il ne m’a certainement pas forcée », dit-elle), l’incident pourrait ne pas être considéré comme un cas de violence sexuelle, notamment par les chercheurs adoptant une lecture littérale et non contextualisée de son récit.

Le processus de lecture étant un processus constructif et non neutre, il importe d’identifier ses propres positionnements en tant que lecteur·ice dans leur relation au texte (bien qu’une telle identification ne puisse véritablement saisir toutes les nuances et la complexité des positions). Mes positionnements sont présentement, au moins les suivants : du point de vue des perspectives théoriques, je suis féministe et poststructuraliste, du point de vue de ma situation sociale, je suis une femme pakeha, hétérosexuelle et instruite.

L’analyse porte principalement sur le contenu du texte, c’est-à-dire sur ce qui a été effectivement dit. Le langage étant toutefois un matériau et un processus de nature sociale, le contexte historique et social du récit importe également. J’examine ce texte pour y déceler la présence de discours relatifs aux expériences sociales et interpersonnelles des femmes en matière de coercition hétérosexuelle, ainsi que les positions de sujet que ces différents discours offrent aux femmes.

J’aborderai brièvement deux thèmes discursifs connexes présents dans ce texte. Il s’agit du discours sur la « sexualité permissive » et de celui sur « les besoins sexuels masculins » (voir Hollway, 1984). Ces discours fournissent deux positions de sujet possibles, respectivement celle d’une femme « libérée sexuellement », pour qui le sexe n’est « pas un problème », et celle d’une femme réceptive aux « besoins » des hommes et qui en assume la responsabilité. Sue Davis semble avoir endossé ces deux positions. Ces discours et ces positions de sujet peuvent être comprises à partir de leur localisation historique, durant une période qui s’étend du début des années 1970 à aujourd’hui, dans le sillage de la soi-disant révolution sexuelle pour les femmes.

Encadré 1 : Extraits de la retranscription de l’entretien avec Sue Davis

Sue Davis : (1) Je ne savais pas du tout que je l’attirais sexuellement. Je pensais qu’on était juste de bons (2) amis, parce qu’on s’entendait vraiment bien. Et il y eu une fête du nouvel an pendant laquelle il m’a fait comprendre assez clairement que (3) sa virilité allait en prendre un coup s’il ne couchait pas avec moi. Et je me suis retrouvée dans une (4) situation dans laquelle je savais qu’il était très vulnérable, ça n’avait pas vraiment d’importance pour moi, et ça semblait (5) tellement important pour lui que j’ai dit oui. Ça n’a pas été la meilleure expérience sexuelle que j’ai eue (6) de toute façon. Je ne pense pas que ça lui ait apporté grand-chose non plus, parce qu’il s’est rendu compte que ce n’était pas grand-chose. Et (7) je ne pense pas lui avoir rendu service en tout cas, donc je ne pense pas que je lui ai vraiment fait une faveur. J’aurais mieux fait de trouver les (8) mots justes pour dire non.

(9) [Intervalle de deux pages]

Sue Davis : (10) Euh [pause], il est arrivé comme ça et m’a dit qu’il voulait me parler, je crois : « Viens dehors, viens (11) dehors. » Quelque chose dans le genre, de manière assez insistante parce que j’étais occupée à parler à quelqu’un d’autre, et (12) que je n’avais pas très envie d’y aller, et je me souviens que j’y suis allée, un peu parce qu’il était très insistant. Euh (13) [pause], et je ne pensais pas être naïve à l’époque, mais je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il … (14) [pause], vous savez il l’a fait… [pause], il a dit : « Oh, viens dans la chambre de Bruce », et je crois que là (15) j’ai compris ce qu’il voulait, mais je me suis dit que si j’allais avec lui, je serais capable de m’assoir et de lui parler et lui dire (16) ma réplique habituelle, que j’avais déjà répété plusieurs fois dans le passé, vous savez : « Tu es (17) une personne vraiment très attirante, mais… [pause] ». Et il était si hors de lui que, euh [pause]…

(18) [Intervalle d’une demi-page]

Enquêtrice : (19) Et alors, une fois que vous étiez dehors, il était hors de lui et [pause]…

Sue Davis : (20) En fait, il semblait vouloir désespérément avoir des relations sexuelles [pause].

Enquêtrice : (21) Comment communiquait-il cela ?

Sue Davis : (22) Euh, des mots, des choses comme « S’il te plaît Sue, s’il te plaît », vous savez, et aussi, physiquement. Je ne me (23) souviens pas exactement comment, mais, vous savez, comme, euh [pause], il ne m’a certainement pas forcée. (24) À travers ses mots, j’ai eu comme l’impression que — même s’il ne l’a jamais dit —, qu’il n’avait jamais eu de relation sexuelle (25) avant. Euh, et je me souviens avoir pensé « Oh merde ! », quoi. Euh, comme je l’ai déjà dit ça n’était pas (26) vraiment grand-chose pour moi et ça avait l’air très important pour lui. Donc, en gros, je me suis allongée sur le lit (27) et je l’ai laissé avoir un rapport sexuel, mais ce n’était pas le genre de sexe mutuellement satisfaisant. En fait, pour moi, il s’est juste masturbé à l’intérieur de moi ; (28) et vous voyez, c’était un moment inapproprié [pause], tout était faux, (29) parce que, parce que si j’avais été au lit avec quelqu’un, comme ça, dans une autre situation où chacun aurait été (30) attentif à l’autre, et que nous avions continué la relation, j’aurais pu (31) lui apprendre, euh, mais il allait partir le lendemain de toute façon. Donc comme première expérience sexuelle, c’était nul (32) pour lui. En fait je veux dire, il a joui, mais, et alors ? C’était rien de plus. Vous savez, je me suis sentie à plat. (33) Je ne voulais pas aller avec lui et coucher avec au départ. Je ne savais pas du tout qu’il ressentait quelque chose comme ça (34) pour moi.

(35) [Intervalle d’une demi-page]

Enquêtrice : (36) Quelles ont été, s’il y en a eu, les répercussions immédiates de cet événement ? [Intervalle d’une demi-ligne]

Sue Davis : (37) Euh [pause] bon, il a dû repartir avec une attitude assez désabusée sur le sexe, (38) étant donné sa première expérience. Je me suis sentie déprimée par cet événement. Je n’ai pas aimé. Je ne l’avais pas (39) voulu, et je l’ai fait simplement parce que je ne voulais pas… [pause], on dirait qu’à l’époque j’avais souvent des rapports sexuels simplement (40) pour éviter de faire de la peine à des gens. Comme si j’étais forte et qu’ils ne l’étaient pas. Euh, et je (41) sais qu’à ce moment je pensais que l’activité sexuelle en soi n’était pas quelque chose d’important, c’est ce que je ressentais pour (42) une personne qui rendait la chose importante ou pas importante. Je ressens encore un peu ça. Vous voyez, c’est [pause], (43) même si je suis restée coincée avec quelqu’un pendant des années [pause], le sexe sans l’amour c’est [pause], c’est (44) comme s’essuyer les fesses après être allé aux toilettes, ou se brosser les cheveux. C’est une (45) activité physique. C’est une activité agréable, euh, enfin ça peut être une activité agréable.

(46) [Intervalle d’un tiers de page]

Enquêtrice : (47) Que ressentez-vous et que pensez-vous maintenant de cette expérience, avec du (48) recul ?

Sue Davis : (49) ça me fait un peu frémir. Euh, ce n’est pas une expérience dont je me souviens avec un grand enthousiasme, (50) alors qu’il y a beaucoup de choses dont je me rappelle avec enthousiasme, et, oui, c’était les motifs, (51) les choses qui ont provoqué ce comportement étaient toutes mauvaises, et je pense que c’est cela qui fait que je (52) n’aime pas cette expérience.

Dans l’Encadré 1, les exemples du discours sur la « permissivité sexuelle » incluent les expressions « ça n’était pas grand-chose pour moi » (segments 25-26) et « j’avais souvent des rapports sexuels » (segment 39, d’autres expressions apparaissent segments 41, 43-45). Les exemples de la position assumant la responsabilité de la sexualité masculine incluent les expressions « sa virilité allait en prendre un coup s’il ne couchait pas avec moi » (segment 3), et « Il semblait vouloir désespérément avoir des relations sexuelles » (segment 20 ; on en trouve d’autres segments 4, 4-5, 7, 12, 14-15, 15-16, 17, 26, 30-31, 31-32, 37, 39-40, 40).

Combinés, ces deux discours peuvent rendre une femme presque « inviolable » (Russell, 1982, p. 58) du point de vue du discours dominant sur la sexualité et le viol, à l’exception du cas du viol « classique » dans lequel un étranger use d’une violence extrême. Comme le note Frances Cherry (1983), « dans certains cas, les viols, littéralement, “n’existent pas”, parce que la victime envisage l’expérience de coercition sexuelle comme quelque chose de naturel et légitime dans le contexte d’une relation de pouvoir structurelle entre un homme et une femme » (p. 252). Dans le contexte d’un commentaire sur la révolution sexuelle, Shere Hite (1977) a discuté les aspects des deux discours, celui sur la « sexualité permissive » et celui sur les « besoins sexuels masculins » :

Cette glorification de la « pulsion sexuelle » masculine et de l’orgasme masculin comme « besoin » revient à fournir aux hommes une justification à tout ce qu’ils peuvent faire pour avoir des rapports sexuels — viol y compris — et définit l’homme « normal » comme ayant « faim » de rapports sexuels. D’un autre côté, la définition de la sexualité féminine comme passive et réceptive (mais, depuis la révolution sexuelle, également comme nécessaire pour une femme en bonne santé) revient à dire aux femmes de se soumettre à cette « pulsion sexuelle » masculine agressive. (p. 465)

Étant donné les positions de sujet adoptées par Sue Davis, le non-consentement dans les situations qu’elle a rencontrées aurait été quasiment inconcevable. Par conséquent, dans de tels contextes, c’est la notion même de consentement et la signification du choix qui sont rendues problématiques. Ce qui importe ici, c’est que ces positions de sujet reproduisent une forme de relation de genre hétérosexuelle dans laquelle les femmes manquent de pouvoir.

Un des intérêts de l’approche poststructuraliste est son affirmation selon laquelle la subjectivité est produite à travers des discours multiples, éventuellement contradictoires et instables. Par exemple, Sue Davis n’échappe à aucune des conséquences néfastes de son expérience sexuelle non désirée. Elle se sent « à plat » (segment 32) et « déprimée » (segment 38) (voir aussi segments 7-8, et 49). Cela suggère que son expérience n’a pas été uniquement constituée par ses positionnements à l’intérieur du discours sur la sexualité permissive ou sur les besoins sexuels masculins. Les incohérences et les contradictions dans son langage (par exemple, à un moment elle évoque avoir pensé « Oh merde ! » [segment 25], et dans la phrase qui suit immédiatement, elle dit « ça n’était pas grand-chose pour moi », [segments 25-26]), peuvent être comprises comme l’effet d’une bataille discursive opposant le positionnement à l’intérieur du discours sur la « sexualité permissive », à un autre positionnement, pas explicitement articulé, lui-même situé à l’intérieur du discours sur la sexualité permissive ou dans un autre type de discours. Ce discours pourrait inclure le droit des femmes à une sexualité « mutuellement satisfaisante » (segment 27) (qui pourrait d’ailleurs être partie prenante du discours sur la « sexualité permissive »), ou une forme de discours féministe portant sur l’exploitation des femmes dans les relations hétérosexuelles. Il est tentant d’interpréter cette contradiction comme indiquant que la position de Sue Davis, à l’intérieur le discours sur la sexualité permissive et sur les besoins sexuels masculins, correspond à une fausse conscience, et que ses sentiments négatifs représentent au contraire sa réponse réelle, véritable et authentique. Mais, du fait de sa simplification outrancière, de son essentialisme, de son élitisme et de son arrogance, une telle interprétation serait problématique (Condor, 1986 ; Kitzingner, 1986 ; Marshall, 1986). Les poststructuralistes diraient plutôt que des conflits de ce type sont quasiment inévitables, et peuvent également être la source d’un changement.

Avantages et inconvénients du poststructuralisme féministe

L’approche poststructuraliste féministe peut poser quelques problèmes pour les psychologues féministes. Premièrement, de nombreuses féministes et psychologues sont si hostiles à son antihumanisme et à son décentrement de l’individu, qu’elles peuvent le rejeter en bloc. Dans les travaux de recherche féministe qu’elle a recensés, Sue Wilkinson (1986) a observé « un large consensus concernant la double nécessité de prioriser l’expérience féminine et de développer une théorie solidement ancrée dans cette expérience » (p. 13). Le poststructuralisme féministe considère bien entendu que l’expérience féminine n’est jamais indépendante des processus sociaux et linguistiques, et qu’elle est en fait constituée par eux. Il problématise donc cette approche pour la recherche féministe.

Un deuxième inconvénient concerne la complication conceptuelle du poststructuralisme, qui s’exprime souvent dans un langage peu commun et donc difficile. Dans une certaine mesure, cela le rend inaccessible aux personnes dépourvues d’un certain bagage culturel et du temps nécessaire pour se consacrer à l’étude approfondie d’un matériau théorique peu familier. Selon Catherine Belsey (1980), cette difficulté ne provient pas « d’un penchant pervers pour l’obscurité » (p. 4), mais du fait que « la contestation des affirmations et des valeurs communes est impossible dans un discours qui, au prétexte de la lisibilité, est contraint de reproduire ces affirmations et ces valeurs. De nouveaux concepts, de nouvelles théories, nécessitent de nouveaux discours, peu familiers et donc initialement difficiles » (p. 4-5). Il n’y a sans doute pas de solution simple à ce problème. Cette question préoccupe les féministes, en particulier celles qui donnent la priorité à la lutte contre l’élitisme et au partage de l’information en dehors des canaux d’éducation officiels.

Une troisième objection possible au poststructuralisme concerne son relativisme. Comme l’a noté Jane Flax (1987) :

Il est également séduisant, pour ceux qui ont été exclus, de croire que la raison triomphera, que ceux qui proclament des idées telles que l’objectivité répondront à des arguments rationnels. S’il n’existe pas de fondement objectif pour distinguer les vraies et les fausses croyances, alors il semble que seul le pouvoir déterminera l’issue de revendications concurrentes en matière de vérité. Voilà une perspective effrayante pour ceux qui manquent du pouvoir dont d’autres sont dotés (ou qui sont oppressés par ce pouvoir). (p. 625)

Dans une analyse utile du rapport du relativisme au postmodernisme et au féminisme, Patti Lather (1989) soutient que le relativisme n’est problématique que si l’on accepte une approche fondationnelle de la connaissance : « toute cette agitation sur le relativisme peut être comprise comme une réponse libérale à la crise de l’absolutisme ». Ma réponse aux peurs féministes concernant le relativisme consiste à souligner qu’il ne signifie pas l’abandon de nos savoirs et de nos valeurs. Nous devons plutôt être conscient·es du fait qu’il n’existe pas de moyen certain de les garantir ou de les fixer, ou encore de convaincre les autres de leur vérité. La théorie et la recherche doivent être appréciées en fonction de leur capacité à atteindre des buts définis politiquement, et non fonction de leur « valeur de vérité » (Kitzinger, 1986, p. 153).

Ce que le poststructuralisme féministe nous offre, c’est un fondement théorique pour analyser les subjectivités des femmes et des hommes dans leur relation avec le langage, avec d’autres pratiques culturelles, et avec les conditions matérielles de nos vies. Il embrasse la complexité et la contradiction, et je dirais même qu’il surpasse les théories qui offrent des explications monocausales et déterministes du patriarcat et des relations de genre. Le poststructuralisme non seulement accorde de la crédibilité à la résistance active que les femmes opposent au pouvoir patriarcal (et à notre oppression par lui), mais offre également des pistes prometteuses, toutes importantes pour le féminisme, pour théoriser le changement.

Le poststructuralisme féministe ainsi que les autres démarches postmodernes ouvrent de nouvelles voies de travail pour les psychologues féministes. Ces voies incluent l’analyse de la nature socialement construite du comportement humain, la déconstruction des postulats du langage et des processus de production des subjectivités, ainsi que l’analyse des champs discursifs existants et des positions de sujet qui leur sont liées. J’espère que cet article donnera lieu à un intérêt pour le poststructuralisme parmi les psychologues féministes. Ce faisant, nous serons en mesure de développer nos propres compréhensions poststructuralistes féministes, plus précises et plus critiques.

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Notes

1 J’aimerais remercier Sylvia Blood et Kathryn Mc Phillips pour les discussions utiles à la préparation de cet article. Je remercie également Jeanne Marecek et les deux relecteurs de cet article pour leurs commentaires et leur travail d’édition, ainsi que Patti Lather pour son séminaire stimulant (qui a malheureusement eu lieu deux jours avant le rendu de la version finale de cet article). Les recherches dont il est fait état dans cet article ont été partiellement financées par une bourse du Fonds de Recherche de l’Université d’Auckland. Retour au texte

2 Bien que la distinction entre poststructuralisme et postmodernisme ne soit pas évidente, et que ces termes soient parfois utilisés de façon interchangeable, j’ai tendance à considérer que le postmodernisme renvoie à la dimension temporelle et à des pratiques, et que le poststructuralisme renvoie à des théories parties prenantes de ces pratiques et parallèles à elles. Retour au texte

3 Ndt. Le consciousness-raising, expression parfois traduite par « conscientisation » ou « éveil de la conscience », désigne une pratique développée à partir de la fin des années 1960 aux États-Unis dans des cercles féministes radicaux. Cette pratique vise à rompre l’isolement des femmes grâce à des groupes de parole non mixtes, portant sur des thèmes prédéfinis comme la sexualité, la coercition sexuelle, la maternité ou l’enfance. Les groupes de parole entendaient conscientiser progressivement la nature politique d’expériences féminines partagées, qui pouvaient être auparavant considérées comme strictement « personnelles » ou « privées ». Retour au texte

4 Terme qui désigne les Néo-Zélandais·es d’ascendance européenne. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Nicola Gavey, « Poststructuralisme féministe et analyse du discours : contribution à la psychologie féministe », Psychologies, Genre et Société [En ligne], 1 | 2023, mis en ligne le 29 octobre 2023, consulté le 10 mai 2024. URL : https://www.psygenresociete.org/197

Auteur·ice

Nicola Gavey

Nicola Gavey est Professeure de psychologie à l’Université d’Auckland et co-dirige le New Zealand Family Violence Clearinghouse. Ses travaux de recherche portent sur les dynamiques psychosociales en jeu dans les violences sexuelles et de genre (en particulier la violence masculine dirigée contre les femmes) ainsi que sur leurs implications pour la prévention. Elle est l’autrice de l’ouvrage Just sex ? The cultural Scaffolding of rape (éditions Routeldge, 2018).

Traduction

Salima Naït Ahmed

Droits d’auteur·ices

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