Les femmes de la Révolution française pour exemples : mises en garde scientistes et méthode historique dans la constitution de la psychologie au début de la IIIe République

  • Women of the French Revolution as examples: Scientist warnings and historical method in the constitution of psychology at the beginning of the Third Republic

Résumés

L’article étudie l’avènement de la psychologie à l’aube du xxe siècle par ses références aux femmes révolutionnaires de 1789 : Charlotte Corday, Anne-Josèphe Terwagne, les émeutières, les foules de femmes. La psychologie mobilise ces évènements historiques pour comprendre les femmes qui investissent l’espace politique de la IIIe République, et pour mieux les diriger : les savoirs psychologiques sont ici sciences de gouvernement. Ces usages sont structurants : définition d’une méthode historique, appropriation d’analyses et d’objets antérieurs et légitimes dans une narration généalogique maîtrisée, recours au passé pour définir et gouverner ces ennemies politiques puis les masses qui prendront leurs traits psychologiques. Dans une concurrence épistémologique avec d’autres disciplines pour le monopole de certains objets et méthodes, et pour une légitimité scientifique et politique, la psychologie se constitue et s’affirme en s’appuyant sur les représentations médicales des femmes révolutionnaires, corpus dont l’influence reste négligée dans l’histoire de la discipline.

The paper examines the advent of psychology at the birth of the 20th century through its references to the revolutionary women of 1789: Charlotte Corday, Anne-Josèphe Terwagne, the rioters, the crowds of women. Psychology mobilizes these historical events to understand the women investing the political space of the Third Republic, and to better control them: here, psychological knowledge is a science of government. These uses are structuring: definition of a historical method, appropriation of previous and legitimate analyses and objects in a controlled genealogical narrative, reliance on the past to define and govern these political enemies and then the masses which will take on the same psychological traits. In an epistemological competition with other disciplines for objects and methods, and for scientific and political legitimacy, psychology constitutes and asserts itself by relying on the medical representations of revolutionary women, a corpus whose influence remains neglected in the discipline’s history.

Plan

Texte

Que représente la Révolution française pour l’histoire de la psychologie ? En s’intéressant à la fin du xixe siècle, lorsque la discipline s’autonomise comme un sous-domaine scientifique et médical spécifique, avec ses propres objets et méthodes, l’article propose de réfléchir à la place accordée à ces évènements révolutionnaires déjà vieux d’un siècle. Dans cet effort de définition et d’institutionnalisation, l’histoire est mobilisée comme terrain d’étude : la psychologie fournit des cadres explicatifs spécifiques pour penser les évènements de la Révolution française, autant dans des analyses rétrospectives que dans des ambitions comparatives avec l’actualité sociale et politique.

La fascination pour la Révolution française n’apparaît pas qu’à la fin du siècle suivant : c’est un élément central des corpus liés à l’esprit ou à l’âme tout au long du xixe siècle, notamment au sein des théories aliénistes. Philippe Pinel (1801)1, considéré parmi les pères fondateurs des sciences de l’esprit, voit dans cette Révolution une preuve de la nécessité de dépasser la seule ambition médicale nosographique et de réfléchir aux moyens scientifiques d’ordonner et de raisonner la société, notamment par le gouvernement philosophico-médical des aliéné·es au sein de l’asile et par la confiance collective en cette science, loin de ses souvenirs de foules envahissant les hospices et de manies favorisées par ces temps passionnés. Les théories de Pinel et de ses successeurs sur la meilleure forme et organisation de l’asile, pour la gestion et la guérison des patient·es, se prolongent souvent sur la meilleure forme de gouvernement politique pour empêcher les délires et favoriser la morale d’un peuple. Ces objectifs à la fois scientifiques et politiques s’inscrivent dans un mouvement de rationalisation du monde social, dont il faut comprendre les lois, comme la physique a déterminé celles du monde naturel. En adoptant une approche empirique, ces théories scientistes sont également des idéologies politiques influentes, à l’image du libéralisme et de son économie politique. Cette aspiration à trouver les causes du désordre et les moyens de l’harmonie sociale est une dynamique constante dans l’histoire des sciences et techniques du siècle, et la psychologie de la fin du xixe s’inscrit dans ce processus ambitieux.

Les sciences issues de l’aliénisme, comme la psychologie, se concurrencent pour leur autonomisation et légitimation dans le contexte de la IIIe République, où les gouvernants cherchent l’appui éclairé de sciences de gouvernement capables d’expertiser et de corriger les troubles sociaux (Kaluszynski, 2002). Ainsi, la psychologie côtoie une criminologie en pleine expansion à mesure que l’explication pathologique de la déviance se heurte à la difficulté de guérir les aliéné·es (Fauvel, 2002). La nouvelle gouvernance est constamment menacée par des masses qu’elle veut contrôler, paradoxe permanent des théories démocratiques qui appellent le « peuple » en craignant son irruption en politique (Cohen, 2010). Elle débute sur une défaite militaire, des insurrections en Algérie, à Marseille, en Martinique, à Paris, puis connaît une fréquence importante de grèves et de mouvements sociaux, et l’essor d’un anarchisme très actif. Enfin, dans une société répartie entre une sphère publique, masculine, et une privée, féminine, distinction naturalisée par la médecine, les femmes qui prennent part à ces effervescences politiques semblent précipiter le désordre (Fraisse, 1995), floutant les démarcations entre politique et pathologique. Ici encore, l’intérêt pour l’esprit de ces femmes s’inscrit dans l’histoire longue de l’aliénisme qui les étudie dès leur irruption dans l’arène révolutionnaire à la fin du xviiie puis au fil du siècle suivant, à mesure que ces étiquetées saint-simoniennes, vésuviennes, communardes et féministes forcent le constat d’une revendication politique des femmes. Les scientifiques issus des sciences médicales ou sociales ambitionnent d’expliquer cette apparente déviance du rôle privé et maternel. Les femmes sont notamment analysées dans les théories psychologiques des foules, corpus à l’influence politique décisive au xxe siècle (Moscovici, 1981).

À la suite des travaux sur le rôle des discours médicaux dans l’exclusion politique des femmes, l’article étudie les savoirs sur les femmes révolutionnaires de 1789, principalement sur les révolutionnaires parisiennes, déployés par une psychologie en quête de légitimation scientifique et politique et dont la production théorique recourt à l’histoire comme laboratoire empirique. Le temps est un terrain d’observation de la psychologie des individu·es ou des civilisations : pour comprendre le contemporain, les savant·es cherchent des comparaisons passées. Avec la médecine et la philosophie pour modèle, la psychologie réfléchit sur archives, mobilisant et dialoguant avec les témoignages légués par d’autres, proposant une explication psychologique de l’histoire. Ainsi, dans la préface de La névrose révolutionnaire, Augustin Cabanès et Lucien Nass (1906), certes historiens en plus d’être médecins, considèrent la psychologie comme une science profondément historique qui « ressemble à une clinique où l’on étudierait les grands hommes dans leur état de santé et les événements du passé dans leurs rapports avec la maladie » (p. V).

Dans ce regard empirique de la psychologie sur l’histoire, la Révolution française fournit un exemple documenté pour la compréhension des mouvements politiques sociaux de la IIIe République. Pour citer Scipio Sighele (1892) étudiant la foule, « Aucun exemple ne pourrait être meilleur que ceux que nous offrent certains épisodes de la Révolution française » (p. 97). Régulièrement étudiée tout au long du xixe siècle, elle est particulièrement mobilisée par les scientifiques après la Commune de 1871 pour appuyer les lectures pathologiques de l’insurrection (Glazer, 1985) et plus largement pour penser les foules contestataires (Barrows, 1990), au sein d’un vaste corpus développant des explications psychologiques aux échelles individuelles comme collectives — l’approche collective étant une source majeure de concurrence avec la sociologie. Suivant la sociologie historique des sciences, l’article étudie les théories produites sur ces femmes révolutionnaires de 1789, en se limitant principalement à un corpus assimilable au canon psychologique : des auteurs — dont la masculinité blanche est notable — majoritairement cités dans les ouvrages sur l’histoire de la discipline et donc par-là définis comme influents — de leur vivant ou de manière posthume. Cette sélection et l’approche textuelle entraînent d’évidentes limites dans l’analyse : l’article vise surtout à partager des hypothèses heuristiques2.

Dans une fin de siècle dominée par les théories de la dégénérescence, le recours de la psychologie à l’histoire, et plus précisément aux femmes investies dans la Révolution française, peut se comprendre selon deux dynamiques principales servant des stratégies d’autonomisation et de légitimation de la discipline. La première est un réflexe épistémologique, intrinsèque à la méthode psychologique qui prend l’histoire pour laboratoire empirique et qui s’appuie sur des analyses médicales antérieures qui font autorité. Les psychologues maîtrisent ici l’inscription généalogique de leurs savoirs en se situant à la suite de médecins reconnus et en essayant de faire des femmes politiques un objet propre à la psychologie, et non laissé par exemple à la sociologie ou à la psychiatrie. La seconde relève d’une ambition politique de la science, celle de tirer du passé les leçons et les moyens pour empêcher les masses contestataires, où les femmes sont donc des éléments particulièrement dangereux, de déstabiliser la société de la IIIe République. Il s’agit alors de fournir un support de connaissances pour les décisions et politiques publiques en affirmant une position d’expertise apte à influer sur les procédures pénales et législatives.

Corday et Terwagne : dans la tête des « viragos »

Après les différentes découvertes sur les lois naturelles du monde physique, la rationalité du monde social, à l’échelle de l’individu·e et du collectif, reste une terra nullius3 scientifique à la fin du xviiie siècle. Quelle est l’origine de la raison, de la morale, des idées chez une personne sensée ou insensée ? Sans clore la querelle entre le corps et l’esprit, l’anatomie offre une piste pour plonger dans la boîte crânienne. Les analyses sont minutieusement conservées par écrit pour la démonstration immédiate comme pour leur usage futur, tout comme les restes humains rangés dans des collections anthropologiques fameuses comme celle de Jean-Etienne Esquirol, disciple de Pinel et considéré fondateur de la psychiatrie moderne, puis Paul Broca, médecin influent dans la constitution de l’anthropologie évolutionniste — qui usera longtemps de reliques humaines pour affirmer des doctrines racistes. Ce souci de la sauvegarde permet la pérennité de certains sujets d’études et un dialogue scientifique dans des temps très longs — Aristote prend encore régulièrement la parole au xixe. Aussi, si la psychologie de la fin de ce siècle ne peut évidemment être résumée par un continuum absolu depuis Pinel, l’influence de l’héritage des savoirs aliénistes reste un élément pertinent à questionner, que cet héritage soit volontairement revendiqué ou résultant d’une inertie épistémique interne à la discipline.

La psychologie naissante dans son autonomie disciplinaire dispose de ces sources historiques, allant de l’archive papier aux restes humains qui fournissent la matière aux explications anthropométriques. Ainsi procède la phrénologie, étudiant l’esprit des révolutionnaires par la matérialité des têtes. Parmi les crânes soigneusement conservés depuis la Révolution, deux crânes de femmes passionnent encore les savants de la fin du xixe : ces têtes apparemment mal faites sont celles de Charlotte Corday et d’Anne-Josèphe Terwagne.

Corday assassine Jean-Paul Marat le 13 juillet 1793. Elle explique en détails, par écrit puis lors de son procès, l’avoir consciemment tué pour faire cesser les massacres répressifs du régime des Montagnards, dont il est un membre important, et sauver la République. Il est pourtant rare que cet événement soit décrit comme un attentat politique (Mazeau, 2009a). Dès l’interrogatoire, et malgré une condamnation rappelant que l’exclusion civique n’empêche pas la responsabilité pénale de la femme (de Gouges, 1791), le tribunal, exclusivement composé d’hommes, lui demande qui l’a poussée à tuer Marat : difficile d’admettre qu’elle ait eu seule cette pensée. Cent ans plus tard, autour de la même tête, psychologues et autres savants restent soupçonneux et tendent à exclure le politique de l’explication du geste.

Un siècle après sa mort, le squelette de Corday fascine encore. Les méthodologies de l’époque laissent présager des explications à son acte dans les restes de son corps. Son crâne est au cœur du corpus d’anthropologie criminelle, notamment de l’influente école italienne : Cesare Lombroso (1892) consacre plusieurs pages à relever ses « anomalies [qui] ne manquent pas même dans nos criminels politiques » (p. 25) dans les Nouvelles recherches de psychiatrie et d’anthropologie criminelle. Les médecins qui penchent vers des explications anatomistes le mesurent sans parvenir à un accord. L’intérêt pour Corday est à comprendre dans la constitution de savoirs experts autour du crime pour l’empêcher ou le réguler sous la IIIe République (Kaluszynski, 2002) : scruter la folie au lieu du politique pose en filigrane la question de l’irresponsabilité du crime, une interrogation médico-légale décisive qui trouve un terrain exemplaire chez celle dont la chair sexuée empêcherait normalement les idées politiques ou un tel crime. Cette corporalité supposée des pensées criminelles inspire par exemple Alexandre Lacassagne à recréer la scène pour mesurer le degré d’intention à la force de frappe (Mazeau, 2009a). La psychologie naissante se penche sur les idées criminelles, notamment la psychologie pathologique et ses promesses d’hypnologie comme moyen de dissection du moral et comme outil de suggestion pour lutter contre les pensées dangereuses. Toutefois, certains psychologues comme Théodule Ribot (1896), artisan reconnu de l’institutionnalisation de la discipline, estime que « La pathologie du sentiment moral ne peut nous retenir longtemps : son étude détaillée appartient à l’anthropologie criminelle » (p. 294), corpus sur lequel il s’appuie parfois. La forme du crâne fournit-elle les causes de ces pensées qui poussent au meurtre ? Si aucun consensus ne se forme à l’issue du xixe, il est intéressant de relever que le crâne d’une femme concentre nombre de ces débats académiques et judiciaires.

Les idées qui parcoururent la tête de Corday en tuant Marat n’ont toutefois pas nécessairement besoin d’os pour être étudiées par les spécialistes des sciences mentales. En 1906, les médecins Cabanès et Nass — tous deux prolifiques dans la constitution de revues et d’associations savantes comme dans l’écriture d’ouvrages historiques sur la médecine — genrent au féminin le titre du chapitre « Les exaltées et les illuminées » en développant l’ancienne idée que les esprits naturellement impressionnables sont plus sujets au « mysticisme collectif, un des caractères psychologiques de la mentalité révolutionnaire » (Cabanès et Nass, 1906, p. 500), et prennent l’exemple de différentes femmes de la Révolution française : « Comme toujours, les femmes, moins pondérées que les hommes, se distinguent par leur excentricité : il suffit de citer les noms d’Olympe de Gouges, de Théroigne de Méricourt, de Cécile Renaud, d’Aspasie Carlemigelli, de Rose Lacombe… » (ibid., p. 511). Vielle idée, donc : que la foi soit dirigée vers la spiritualité ou vers la politique, cette « manie par excès de dévotion » est « très-difficile » à guérir selon le fondateur de l’aliénisme Pinel (1801) ; une conception conservée tout en étant nuancée et réadaptée par les savants de la fin d’un siècle ponctué de révolutions. Après la Commune, certains médecins parleront par exemple d’une « folie démagogique » pour expliquer l’insurrection (Glazer, 1985). L’imbrication médicale du politique et du pathologique n’est pas toujours aussi absolue, mais les évènements politiques sont une importante variable à questionner dans le surgissement de manies — et ce encore dans la psychologie aujourd’hui, certains évènements pouvant de fait être frappants voire traumatisants. La période de la Révolution française est ainsi l’objet d’analyses statistiques pour déterminer si elle favorise les aliénations, et la catégorie morale « secousses politiques » — ainsi nommée dans un tableau statistique d’Esquirol (1814) mais pouvant se présenter sous d’autres synonymes — est une variable causale mobilisée dans les nosographies du siècle. Dans ce consensus général, les esprits faibles, catégorie englobant les femmes, sont plus facilement impressionnés et emportés par des passions qui n’ont rien à voir avec la rationalité d’une conviction politique.

Le geste de Corday étant défini dans un emportement passionnel, et par-là apolitique et incontrôlé, son action devient intelligible dans une narration médicale qui la rétablit également dans son rôle genré. Le politique, s’il faut le reconnaître, est symptôme d’anomalie et inscrit Corday dans le registre du malsain et de la faiblesse valétudinaire des femmes. Elle n’est plus unique, contre-exemple défiant l’ordre politique tel qu’il est naturalisé, mais rejoint une cohorte d’autres femmes liées par la médecine non pour leur audace politique mais pour leur esprit fragile et maladif. Philarète Chasles, intellectuel prolifique qui enseigne au Collège de France les Questions du temps et problèmes d’autrefois. Pensées sur l’histoire, la vie sociale, la littérature (1841-1867) résume ainsi dans ses enseignements cette condamnation homogénéisante : 

Tout est révolutionnaire. Un courant électrique s’établit, et bien entendu, les femmes n’y sont pas étrangères, elles allument, animent, excitent, brouillent, précipitent et souvent bouleversent tout. Mais l’étincelle jaillit la flamme se propage — l’angélique et le démoniaque se mêlent ; on voit surgir les Roland, les Corday, les Wollstonecraft et les de Staël. Elles entretiennent le feu du ciel et le feu de Satan. Elles ne permettent ni à l’une ni à l’autre de s’éteindre ; quelquefois vestales et pures comme madame Roland et Corday ; d’autres, impures comme l’impure Théroigne ; d’autres mixtes et passionnées, grandes et troublées, splendeurs et nuages, comme madame de Staël. Ce ne sont pas des modèles pour nos femmes et nos filles. Pythonisses et sibylles, laissez-les dans le sanctuaire et sur le trépied, rendre leurs oracles et lancer la foudre. Ne les amenez point dans le ménage. Même madame Roland, la sévère et douce, a dressé l’échafaud de son mari. (Chasles, 1875, pp. 58-59)

La morale est peu éloignée de celle de la feuille du Salut public reproduite dans le Moniteur universel du 19 novembre 17934 annonçant « Aux Républicaines » les exécutions de la reine Marie-Antoinette, d’Olympe de Gouges et de Manon Roland, et menaçant celles qui partageraient leur « délire » : cet « oubli des vertus de son sexe, et cet oubli toujours dangereux, finit par la faire périr sur un échafaud » (p. 1). Les analyses sur l’esprit de ces révolutionnaires servent de leçons pour toutes les femmes, passant du diagnostic individuel à la théorie générale, à la morale, dans un périodique reproduisant quasi-officiellement la parole du gouvernement. Le républicanisme des femmes serait donc loin des assemblées populaires et dans le labeur du ménage : dans l’énumération de Chasles, Corday garde sa virginité comme vertu et le mariage de Roland représente un garde-fou (folle) contre l’impureté dont est accablée, en opposition, Théroigne de Méricourt.

Le crâne de celle qui se nomme en réalité Anne-Josèphe Terwagne trône justement non loin de celui de Corday dans les collections anatomiques, et les descriptions de son autopsie intéressent tout autant. Durant la Révolution, Terwagne se précipite à Paris dès l’ouverture des États Généraux pour suivre les débats. Elle participe activement aux cercles de réflexions politiques, réunit dans son salon des figures majeures, fonde une société politique, et continue son républicanisme dans les rues, par exemple en participant activement à la prise des Tuileries. Elle milite pour le statut politique des femmes, se faisant alors des ennemis bien au-delà des royalistes. Comme Corday, son action est dépolitisée par son genre : ses opposants diffusent le portrait d’une femme débauchée dans des dessins pornographiques, amante d’hommes politiques. Elle est accusée, probablement à tort, d’avoir mené la foule des femmes révolutionnaires à Versailles du 5 octobre 1789 et d’avoir entraîné les massacres de septembre 1792. Elle est internée l’année d’après et aurait été plusieurs fois libérée et réinternée, aux petites maisons parisiennes ou à la Salpêtrière, où elle rentre en 1807 dans le service dirigé par Esquirol. Le grand aliéniste verra son investissement politique comme un symptôme de psychologie morbide. Elle est soumise à ses expérimentations et observations, devenant une patiente-objet remarquable dans son ouvrage fondateur Des maladies mentales (Esquirol, 1838). Il y accorde crédit aux dires des royalistes en la qualifiant de « courtisane » et en évoquant ses « amants » pour expliquer sa présence dans les cercles politiques.

Terwagne décède le 9 juin 1817. Esquirol pratique l’autopsie de son cerveau le 10 juin et consigne minutieusement le tout dans son ouvrage. Citée dans les travaux du père fondateur, et par-là légitimée à la fois comme folle et comme objet d’étude pour la science, elle est évoquée dans les ouvrages médicaux tout au long du siècle. Les descriptions léguées permettent d’approfondir l’analyse, d’étudier la patiente sous de nouveaux angles, et fournissent un support d’autorité à de nouvelles théories. Ainsi, le très influent Benjamin Ball, oscillant comme son maître Jean-Martin Charcot entre les frontières indéfinies de la psychologie, de la psychiatrie et de la neurologie, prend son exemple dans ses cours à la Faculté de médecine de Paris pour parler de l’indifférence de certaines personnes au froid ou au chaud : « Un des exemples les plus remarquables de ce genre d’insensibilité est celui de Théroigne de Méricourt, dont Esquirol nous a conservé l’histoire clinique. » (Ball, 1883, p. 284). Ici, la patiente est une référence assez célèbre pour être connue de son public jusque dans des aspects a priori mineurs de son internement, tout en renvoyant à la légitimité d’un fondateur des sciences des maladies mentales. Loin de se contenter des seules intériorités individuelles, ces sciences s’appuient sur l’histoire, par les récits factuels d’évènements passés ou par les archives médicales, pour la construction et la légitimation des savoirs. Terwagne en devient plus célèbre dans le corpus médical que dans l’histoire politique, où elle est la « trop fameuse Théroigne de Méricourt » (Loiseau, 1856, p. 41). Terwagne et Corday sont des femmes-objets scientifiques, inépuisables heuristiques pour qui les motivations politiques ne sont pas une hypothèse probable.

Si la théorie médicale se fonde sur une représentation genrée, plus ou moins appuyée sur des descriptions anatomistes, le pathologique peut également se trouver dans la confusion des genres. Les discours de la fin du xixe siècle montrent la peur d’une perte de virilité des hommes, et/ou d’un gain de virilité des femmes qui pourraient alors écraser les hommes, danger civilisationnel dont les féministes sont en partie rendues responsables (Bard, 2020). Ainsi, Corday est rapidement dépeinte dans une transgression érotique où le couteau plongeant dans la chair devient métaphore sexuelle où elle pénètre l’homme (Mazeau, 2009b). Corday et Terwagne, quand elles investissent des représentations solidement indissociables des hommes, participent à cette confusion : la tribune politique, le crime, le port d’habits réservés aux hommes. Dans la littérature, l’iconographie caricaturale et la presse du xixe se trouvent régulièrement moqueries et fantasmes autour du port du pantalon, plus familièrement « porter la culotte », trahissant l’angoisse d’une prise de pouvoir par les femmes (Bard, 2010). Durant les procès des communardes le port d’habit masculin est mentionné comme une information pertinente pour la procédure judiciaire5, rappelant dans le cercle pénal l’interdiction et condamnation officielle de cette pratique vue comme une preuve supplémentaire de la dangereuse désorganisation sociale entamée pendant l’insurrection. Terwagne et Corday, ou Louise Michel un siècle plus tard, sont qualifiées de « viragos » : des femmes masculines. Plus encore qu’une anomalie sociale, ce « travestissement » présage d’une anomalie médicale, déstabilisant la distinction entre homme et femme que la médecine ne cesse depuis des siècles de maintenir et autour de laquelle s’organise la société (Dorlin, 2006). Ainsi, la médecine de la Belle Époque définit toujours le « masculinisme » comme symptôme d’aliénation des femmes et le « féminisme » comme malformation morbide qui prédispose les hommes à la névrose, et ce malgré la revendication achevée du terme par les groupes féministes.

Les sciences psychologiques participent à l’étude de cette proclamée masculinisation des femmes, par exemple dans la description clinique d’un « troisième sexe » préfigurant une dégénérescence civilisationnelle (Murat, 2006). Pendant la Révolution déjà, le gouvernement révolutionnaire décrit Corday de « virago » au « maintien hommasse et [à la] stature garçonnière » et « jetée absolument hors de son sexe » (cité dans Pavard et al., 2020, pp. 33-34), les royalistes font de même avec Terwagne, et le procureur de la Commune de Paris insurrectionnelle déplore les femmes qui « sans vergogne, endossent la tunique virile et font le dégoûtant échange des charmes que leur donna la nature contre une pipe et une culotte » (cité dans Godineau, 2021, p. 269). A la fin du xixe siècle, les techniques de plus en plus précises de mesure permettent de mesurer les silhouettes, les organes génitaux anormalisés lorsqu’ils mettent à mal les divisions anatomiques établies entre hommes et femmes, les postures — et Charles Féré (1898), médecin de Bicêtre et disciple de Charcot, pousse même l’enthousiasme pour la graduation jusqu’à interroger les liens entre l’angle de tourbillon des cheveux et l’état mental ! Concernant Corday et Terwagne, et selon la formule de Dominique Godineau (2021, p. 269), « cette peur de la confusion des sexes se conjugue avec celle de la femme destructrice », faisant de ces femmes des « monstres » : leur corps devient matière d’un désordre naturalisé anatomiquement et risquant de s’épandre en désordres sociaux et politiques, source pathologique individuelle mettant en danger toute la société.

Ce tropisme sur les corps, le sexe, s’accorde facilement avec les réflexions sur leurs — fantasmées — sexualités et rapports aux hommes : Corday est une amoureuse dévastée et Terwagne n’est insérée dans les réseaux révolutionnaires que par ses charmes et ses relations sexuelles avec les hommes politiques, selon les affirmations des royalistes à la fin du xviiie comme d’Esquirol et ses disciples au xixe. Benjamin Ball résume : « Vous connaissez tous le rôle joué pendant la Révolution française par cette courtisane célèbre, qui exerça pendant quelque temps une influence politique considérable » (1883, p. 284).

Cette influence de « l’empire des charmes » assigne Terwagne à son corps tout en perpétuant une idéologie importante de la Révolution française : l’obsession complotiste d’une dangereuse féminisation du pouvoir. Les révolutionnaires de 1789 avaient représenté la noblesse comme un corps de femme, faible et malade, aisément manipulé par ces courtisanes des coulisses et des salons : l’inclusion des femmes risquait de détruire similairement la jeune République voulue virile et transparente (Godineau, 2021). Plus largement, les deux révolutionnaires sont femmes fatales, fascinantes de beauté et de danger : Corday la meurtrière probablement amoureuse, Terwagne l’« Amante du carnage » (Baudelaire). Elles s’inscrivent dans une ancienne iconographie assimilant l’accès au politique des femmes comme un danger sanglant (Judith, Catherine de Médicis) mais toujours lubrique. Si les dessins pornographiques de Terwagne s’effacent au fil de son internement et de la littérature médicale qui insiste plutôt sur sa laideur comme symptôme extérieur d’une pathologie de l’esprit, Corday est fantasmée jusque dans la mort : elle est une célèbre « beauté d’échafaud » (Mazeau, 2009a) de l’historiographie. Finalement, le danger de leur folie, ramené à un sexe guidé par ses passions, n’est pas indissociable d’un certain érotisme et rejoint aisément les représentations collectives sur les femmes que les savants ou artistes perpétuent. Le portrait perd en subversion et gagne en normalité pathologique en réinscrivant ces révolutionnaires dans la présupposée faiblesse psychologique du genre entier, cette largesse de diagnostic facilitant son application à des femmes s’illustrant dans des contextes distincts socialement et historiquement.

Les éléments d’analyses conservés tout au long du siècle sur les trajectoires ou les restes de Corday et Terwagne structurent les savoirs psychologiques de la fin du xixe siècle. Ils fournissent des objets légitimes et spécifiques à une psychologie qui se définit et se délimite, en lutte épistémologique avec d’autres disciplines. Ces deux femmes reconnues comme supports approuvés pour les analyses fournissent une « matrice » pour penser celles qui investissent l’espace politique sous la IIIe République. Leurs crânes sont discutés à différents congrès où la photographie offre de nouveaux horizons anthropométriques pour saisir la psychologie des communardes et des anarchistes au-delà de la conservation possible de restes humains (Renneville, 2003). Ainsi, c’est au terme d’une étude synthétisant les théories des crânes que Le Bon conclut que le féminisme, comme toute autre forme de revendications égalitaristes, conduit inexorablement la société vers la décadence de la civilisation et la barbarie ; des propos finalement peu éloignés de l’ancienne théorie de l’hystérisation du pouvoir et de la société en cas d’influence des femmes développée pendant la Révolution française, les représentations perdurant modernisés par une rhétorique phrénologique.

Émeutières enflammées

L’insistance sur l’anormalité de personnalités comme Corday ou Terwagne par les aliénistes, « femmes d’exception » morbides, ne doit pas tromper : la médecine de l’esprit a aussi été marquée par les tricoteuses, les « furies », toutes les anonymes de la Révolution dont le souvenir sera formateur pour la psychologie du siècle suivant.

Dans la clameur des protestations, il y a des voix de femmes, comme celle de Marie-Jeanne Trumeau qui exhorte le Faubourg Saint-Antoine à la révolte. Condamnée à être pendue, elle déclare être enceinte et l’exécution est repoussée. Pendant qu’elle patiente emprisonnée, son quartier se mobilise pour obtenir son amnistie, par lettres d’abord puis en menaçant de forcer les portes comme à la Bastille. En août, le Châtelet ordonne sa libération (Bertaud, 1988). La solidarité locale qui s’exprime autour de libération de Trumeau, ce qu’elle révèle de la place dans sa communauté, rappelle le rôle historique des femmes dans les soulèvements populaires. Chargées de nourrir leur foyer, elles sont souvent les premières à constater la hausse des prix et à subir la disette pour ne pas pénaliser leurs proches. Ainsi, dans les émeutes frumentaires qui ponctuent les siècles, ce sont souvent les femmes qui s’insurgent les premières, se joignant en cortèges pour réclamer du pain au boulanger. Soudées et organisées à l’échelle de leur quartier ou des marchés où elles commercent, elles savent se lever collectivement et ne craignent pas de défier les forces de l’ordre. Pendant la Révolution, avant la fameuse marche des femmes vers Versailles, les autorités demandent aux hommes d’aller faire la queue devant les boulangeries pour éviter un attroupement de femmes prêtes à l’émeute. Si elles ne réclament pas haut et fort une Constitution, et que « Si les motivations économiques sont bien à l’origine de la formation de foules féminines distinctes, le sens politique n’en est cependant jamais absent » (Godineau, 2021, p. 250), malgré la dépolitisation de leurs cris de « poissonnières ». 

Les gouvernants en quête d’une stabilisation du pouvoir garderont le souvenir de ces émeutières, d’autant plus incontrôlables qu’elles se lient dans les coulisses des espaces de sociabilité féminine dans lesquels le pouvoir peine à rentrer. Il vaut mieux les cloisonner dans leur foyer, et pour les moins bourgeoises qui doivent travailler indiquer un métier qui peut se faire à domicile comme la couture. L’histoire du lavoir est un bon exemple : lieu important de sociabilité féminine d’où naîtront de nombreuses initiatives contestataires dans la première moitié du xixe siècle, les bateaux-lavoirs sont démantelés durant le Second Empire puis restructurés sous la IIIe République selon le modèle industriel où les hommes, hiérarchiquement supérieurs, peuvent désormais contrôler et surveiller les employées occupées à leurs nouvelles machines (Perrot, 2020). Ce sont les sciences de l’esprit qui justifient, par un argumentaire hygiéniste, cette mesure contre le potentiel subversif des femmes réunies : la nouvelle organisation des lavoirs est réalisée sous la direction de médecins comme Ulysse Trélat, ancien élève des célèbres aliénistes Esquirol et Royer-Collard.

Si l’émeutière garde un visage anonyme dans l’historiographie médicale, sa représentation psychologique est centrale pour penser les femmes dans la foule contestataire. Elle est métaphoriquement théorisée dans un imaginaire de feu, incontrôlable, dangereux, envoûtant mais mortel. Elle est « boutefeu » pour les savants comme les commissaires de police : « Nous ne pouvons nous dissimuler que dans les moments orageux qui ont troublé cette commune les femmes ont joué le rôle de boutefeux » (Godineau, 2021, p. 252). Certes, elle harangue souvent les hommes à l’action plus qu’elle ne prend les armes : mais c’est surtout parce que les hommes lui interdisent d’en porter. Ces armes dont se saisit Terwagne l’inscrivent comme virago, floutant la distinction des genres. Faute d’armes, durant les révoltes, les femmes se battent souvent avec leurs mains, griffant parfois les soldats. Cette lutte des corps alimente une peur de l’émasculation des hommes par les femmes révoltées au xixe siècle, perceptible dans le célèbre Germinal d’Émile Zola (Renneville, 2003) dont Sighele dira qu’il est « un chef-d’œuvre de psychologie collective » illustrant la violence incontrôlable des femmes rassemblées.

L’émeutière excite — l’ambiguïté est significative — les hommes à l’émeute : l’analogie entre elle et le feu est un lieu-commun des analyses de femmes révoltées, investie par la psychologie à la fin du xixe. Elle relègue l’émeutière à un rôle d’incitation irréfléchie, minorant son caractère politique. L’incitation à l’émeute est une accusation régulière dans les procès des communardes, souvent accusées d’avoir encouragé un homme à l’acte criminel sans prendre un rôle actif. Maxime Du Camp ne cesse de les décrire poussant au crime les hommes dans Les Convulsions de Paris, ouvrage régulièrement cité comme un témoignage factuel de la Commune et donc utile pour l’analyse psychologique. Les furies, dont l’origine mythologique infernale peut être rapprochée d’un imaginaire en flammes, laisseront après la Révolution placent aux vésuviennes puis aux pétroleuses dans une iconographie révolutionnaire enflammée où l’émeutière est boutefeux de la foule. La figure n’est pas seulement stylistique pour les contemporains : elle insiste aussi sur leur prétendue tendance à mettre le feu, présupposé puissamment à l’œuvre dans le traitement des femmes de la Commune au-travers du mythe des pétroleuses (Thomas, 1963).

L’incendie est considéré comme un élément spécifique de la criminalité féminine tout au long du xixe siècle. Les procès d’incendiaires sont le terrain d’une expertise psychologique qui s’affirme dans la procédure judiciaire (Guignard, 2010). L’incendie est considéré relever des crimes domestiques, sphère la plus privée du crime quand bien même celui-ci inscrit scandaleusement l’accusée dans un espace public (Chassaing, 2010). Les motifs sont également de l’ordre privé : vengeance, jalousie. Naturalisé acte criminel féminin, son appréhension mêle théories médicales et juridiques pour définir la responsabilité pénale de l’accusée, les procès exigeant souvent une expertise sur son état mental (Foucault, 1981). Les méthodes et les résultats font l’objet régulier de discussions sur cette coopération médico-légale, par exemple dans les Annales Médico-psychologiques6. Si les soupçons d’une psychologie morbide se vérifient dans l’examen de l’intériorité morale, l’indulgence pénale n’est pas systématique : les doctrines juridiques se méfient des naturalisations généralisantes qui correspondent peu à l’idéal d’échelle individualisée des peines (Guignard, 2009). L’incendie peut également être défini comme pyromanie, souvent symptôme d’une dégénérescence plus complexe (Yvorel, 1996). Dans tous les cas, l’incendie est représenté comme comportement naturellement féminin, et la santé d’esprit de l’accusée est généralement questionnée.

Le caractère pathologique d’une folie incendiaire des femmes s’est répandu dans l’imaginaire collectif avant la Commune, au fil des procès et des faits-divers diffusant et popularisant les termes médicaux, dans une généalogie symbolique antérieure à l’évènement. La représentation de la pétroleuse parisienne, souvent dessinée laide et effrayante, rappelle les planches anthropométriques aliéniste où la laideur physique prouvait l’anomalie morale interne. Quant à l’ivresse permanente qu’on attribue à l’événement (Léonard, 2022), appliquée aux femmes, elle évoque la valeur hautement inflammable, voire explosive, de l’alcool. Ces images légendaires sont puissamment diffusées dans le corps social, par exemple via les manuels scolaires (Ripa, 2020), participant à asseoir la légitimité et l’influence sociale des théories médicales sur l’esprit des femmes révolutionnaires.

Si les femmes sont capables d’incendie, le danger permanent résulte surtout de leur nature émeutière : elles appellent à la constitution d’un groupe, d’une masse. Les femmes, individuellement facilement entraînées dans la manifestation populaire, sont à leur tour source de contagion et d’enfièvrement, dans une lecture pathologiste faisant des mouvements sociaux de véritables épidémies. Le concept médical de contagion fonde la psychologie des foules naissante, en dialogue avec les théories sur l’imitation alors influentes en sociologie. L’analyse psychologique des femmes vectrices de contagion révolutionnaire s’affirme à la Belle Époque en cherchant des preuves empiriques dans le passé, notamment durant la Révolution française.

Au tournant du xxe siècle, la psychologie des foules montre un solide consensus : les femmes augmentent la dangerosité de la foule (Renneville, 2003). La psychologie de ces femmes ressemble à celle de l’émeutière et de l’exaltée de la Révolution française, favorisant les débordements, facilement emportée dans les passions collectives, vectrice de la contagion révolutionnaire. Leur présence n’est jamais celle de meneuses conscientes, c’est-à-dire politiques, mais toujours expliquée par la force psychologique de la foule et par leur psychologie considérée naturellement fragile ; des essais de psychologie s’attellent en conséquence à déterminer leur niveau de responsabilité pénale dans les révoltes en s’appuyant sur des exemples historiques (Cazanove, 1904 ; Fournial, 1892).

La foule révolutionnaire, femme dangereuse

Si la Révolution française inaugure l’approche médicale des foules contestataires, les analyses alors produites sont réemployées lorsque les foules passionnent les savants contemporains de la Commune puis tout au long du premier xxe siècle. Lorsque Sighele (1892, p. 103) prend l’exemple de la Révolution française pour montrer une émeutière entraînant la « boue sociale » de fous et de criminels, ses notes bibliographiques à sa citation de Tebaldi (1887, p. 87) sont révélatrices du lien généalogique entre les deux temps d’analyses psychologiques des foules révolutionnaires :

Theroigne, cette héroïne du sang, qui guida la foule à l’assaut des Invalides et à la prise de la Bastille, — et qui mourut à la Salpétrière, se tramant nue sur les genoux et sur les mains, et fouillant les ordures du plancher (2). […]

(27) : Voyez Esquirol, Des maladies mentales, Paris, 1838. A la quatrième feuille de l’album se trouve le portrait de la Théroigne. - Pour plus de détails sur l’influence des fous dans les révolutions et sur la part qu’ils y prennent, voyez les ouvrages de Jules Clerc, Les hommes de la Commune, biographie complète de tous ses membres. Paris, 1871 ; - de J. V. Laborde, Les hommes de la Commune ou l’insurrection de Paris devant la psychologie morbide, Paris, 1872 ; - et de M. Du Camp, La Commune à l’Hôtel de Ville (Revue des deux mondes, 1879).

Si l’émeutière est théorisée seule dans un groupe où les hommes fournissent le potentiel politique à la masse, menée plus que meneuse, la Révolution française montre au moins deux flagrantes foules de femmes : celle qui marche vers Versailles les 5 et 6 octobre 1789 et celle du 1er prairial an III. Foules des plus terrifiantes selon les aliénistes, dont le souvenir conservé dans les écrits sera structurant pour la psychologie des foules. Ainsi, le même Sighele définit la psychologie des foules de femmes à la lumière empirique de la Révolution :

Les foules féminines sont la quintessence de la cruauté sauvage : dans leurs excès elles surpassent de beaucoup les foules masculines. Ouvrez un livre d’histoire quelconque d’une époque quelconque, vous y lirez des épisodes effrayants, sur le degré invraisemblable d’animalité auquel les femmes peuvent descendre lorsqu’elles s’assemblent dans les rues. La Révolution française nous offre un grand nombre de faits qui font horreur [...] (Sighele, 1901, p. 212)

Les foules de femmes fournissent l’extrême exemple de la cruauté de la foule, et conséquemment la dangerosité d’une foule mixte croît parallèlement au nombre de femmes. Ainsi, Gabriel Tarde, réfléchissant aux foules contestataires de son époque, affirme au regard de l’histoire que les femmes y sont peu présentes mais aussi influentes que terrifiantes dans l’agitation révolutionnaire :

[…] ce ne sont jamais des femmes de mauvaise vie, ce sont plutôt des viragos, telle que la Hoffmann, mégère héroïque et féroce à côté de laquelle nos tricoteuses de guillotines sont des poupées. Derrière elle, en 1529, marchait une troupe d’insurgés en jupons portant armes et cuirasses et suivant l’armée « évangélique ». Elle « ne respirait qu’incendie, pillage et meurtre », dit Jannsen. Elle était sorcière et prononçait sur ces fanatiques des sortilèges qui devaient les rendre invulnérables. (Tarde, 1892/1989, p. 103)

La foule est cependant théorisée bien au-delà de la simple somme d’individualités, elle constitue sa propre psychologie. Ce n’est donc pas seulement la proportion de femmes qui permet de juger de son potentiel révolutionnaire et dangereux. Si la foule semble suivre les cris des femmes, ses émeutières, c’est que cette masse forme un ensemble psychologique vacillant, instable. Divergeant parfois sur les niveaux d’influences accordés aux femmes « boutefeux », à l’homogénéisation du collectif sur l’individu·e, ou à la contagion, les psychologues des foules en arrivent à la conclusion suivante : la foule possède les mêmes critères psychologiques que la femme.

La ressemblance psychologique entre la foule et la femme permet de réinvestir tous les critères attribués à celle-ci, qu’elle partage souvent avec le « sauvage » et l’enfant. La nature valétudinaire de la femme transposée à la foule prive celle-ci de rationalité politique :

Tous les caractères de l’une sont ressemblants - souvent identiques - à ceux des autres, et si l’on devait former un catalogue de ces caractères, on pourrait l’appliquer indifféremment à la foule et à la femme, au sauvage et à l’enfant. Considérons, par exemple, l’impulsivité, l’irritabilité, la mobilité. J’abuserais de votre temps - ô Messieurs - et je ferais un tort à votre intelligence si je vous amenais des preuves de l’impulsivité, de l’irritabilité, de la mobilité de la femme, de l’enfant, du sauvage. (Sighele, 1910/2007, p. 115)

Un tort à l’intelligence de ces messieurs s’il fallait amener des preuves : ces représentations de la femme sont si solidement ancrées qu’elles fournissent un paradigme fondateur à la psychologie des foules. Susanna Barrows (1990) montre comment les psychologues ambitionnant de comprendre les masses révoltées ont mobilisé les théories dominantes de leur temps : le mécanisme d’imitation développé par l’hypnotisme, la hiérarchisation des individu·es soutenue par l’évolutionnisme, et la femme et l’alcoolique considérés comme une anomalie psychopathologique remarquable par les sciences médicales et donc exemples utiles pour penser les foules. La psychologie de la femme, devenue paradigme, fournit un outil adéquat pour la comparaison : « Comme celle de la femme, la psychologie de la foule est la psychologie des extrêmes. Le juste milieu lui est inconnu » (Sighele, 1910/2007, p. 118). Gabriel Tarde (1892/1989) définit la foule comme composée surtout d’hommes mais psychologiquement femme, d’où son caractère dangereux et apolitique, allant d’un coup, « ou comme une femme […] de la haine à l’amour » (Sighele, 1910/2007, p. 116).

La foule étant portée par sa nature féminine hystérique à suivre des meneurs, hommes charismatiques, les psychologues accusent différents groupes politiques de profiter de la crédulité des masses, cette crédulité étant « caractéristique de l’ignorance et en général des êtres psychologiquement inférieurs » (Sighele, 1910/2007, p. 116). Ces meneurs pourraient facilement inciter les crédules au massacre, comme durant la Révolution : les psychologues considèrent ainsi les socialistes et les communistes coupables de provoquer la fin de la civilisation. Les féministes, que les travaux historiques de la Belle Époque inscrivent dans la lignée de mouvements de la Révolution, sont similairement soupçonnées même si la condamnation hésite à leur reconnaître un caractère politique. La psychologie est ici science de gouvernement de la IIIe République : même si elle ne revendique pas toujours sa portée idéologique, elle vise autant à comprendre les masses qu’à établir comment les gouverner et empêcher une révolution.

L’« hystérisme révolutionnaire » (Sighele, 1892/1901) et le rôle structurant des théories psychologiques sur les femmes révolutionnaires dans la constitution d’une psychologie des foules montrent à nouveau l’héritage fondamental du traitement médico-politique des femmes à la Révolution française. La peur de la femme en politique, sous les traits de la foule ou de la féministe, ravive le spectre effrayant d’un pouvoir hystérisé par l’irruption des femmes. Quant à l’exclusion politique justifiée par un esprit maladif et irrationnel, c’est une autre constante.

La charge lubrique attribuée à la femme, la sexualité envoûtante et dangereuse qui justifierait à la fois la présence d’une Terwagne dans les cercles politiques et la force persuasive de certaines émeutières, est également transposée à la foule. Gabriel Tarde et Hippolyte Taine voient dans les attroupements révolutionnaires de la Bastille des masses excitées, nerveuses, « féminines de tempérament ». Taine est extrêmement influent à partir des années 1870, période où il popularise la psychologie expérimentaliste (Nicolas, 2021) tout en développant, suite à la Commune de 1871, une théorie historique sur la décadence de la France depuis la Révolution française (Gasparini, 2014) à l’unisson de nombreux conservateurs de la seconde moitié du xxe siècle. Ses réflexions sur la foule, au croisement entre ses entreprises historique, politique et psychologique, l’amènent à conclure au danger supérieur que constitue la féminité de la foule. Il la dote d’une énergie sexuelle incontrôlable qui pousserait à la cruauté (Renneville, 2003). Sighele parle de « l’heure tragique des révolutions, où la foule lubrique et abrutie veut ajouter la profanation à la torture, et non-rassasiée par l’homicide, elle se déchaîne dans les attentats à la pudeur et dans le cannibalisme » (1910/2007, p. 120). Ces affirmations sont exemplifiées à la lumière de l’histoire, et la Révolution française est encore mobilisée dans ses épisodes les plus violents : Le Bon (1883) dans La Révolution française et la psychologie des révolutions ou Sighele (1892) dans La foule criminelle : essai de psychologie collective en font leur principal exemple empirique pour détailler le potentiel cruel d’une foule, comme autour du démembrement de la princesse de Lamballe, devenue martyr d’une féminité naturalisée. Sighele insiste longuement sur le rôle des femmes dans ces crimes, tentatrices manipulant les hommes et plus cruelles qu’eux.

Les exemples passés de la Révolution fournissent une rationalité à la crainte exprimée autant dans ces ouvrages que dans la presse devant les mouvements contestataires où se multiplieraient des actes de castration par des femmes exaltées par l’émeute populaire (Barrows, 1990). La réalité des luttes ouvrières à la fin du xixe ne montre pourtant pas de tels faits, sauf pour un cas non vérifié lors d’une grève à Decazeville en 1886. Plus généralement, les travaux de Michelle Perrot (1974) sur les grèves ont largement déconstruit le mythe de la violence sanguinaire des foules à la fin du xixe, mixtes ou non. Pourtant, les écrits psychologiques témoignent de cette angoisse d’un avenir où les femmes ne se contenteraient pas d’attaquer les privilèges des hommes, mais aussi leur sexualité. Si la castration en est l’apothéose symbolique, la psychologie des foules affirme donc la tendance à la cruauté des femmes, dangereuses (car) irrationnelles, qu’il faut raisonnablement craindre.

Car c’est bien de peur dont il s’agit, et pas seulement de l’opinion collectivement admise de l’infériorité psychologique des femmes. Depuis 1789, elles s’organisent, s’affirment collectivement contre l’ordre masculin et leur exclusion de la citoyenneté (Klejman et Rochefort, 1989). Contre leur exclusion de la science également, malgré des nombreux opposants comme Théodore Joran qui craint un dangereux « féminisme médical » dans l’ouverture de la profession (Bard, 2020). Le « féminisme » d’ailleurs, qui signifiait jusqu’alors seulement un critère psychopathologique chez les hommes ayant un défaut morbide de virilité, est un mouvement assez organisé pour faire vaciller la IIIe République et son ordre scientiste fondé sur l’exclusion politique des femmes. L’autonomisation de la psychologie, qui s’affirme comme discipline indépendante et reconnue pour son expertise, passe par le déploiement d’anciennes analyses pathologiques légitimes sur les femmes de la Révolution française en les adaptant aux mouvements féministes de la Belle Époque ou aux femmes présentes dans les milieux socialistes (Perrot, 2020) ou anarchistes (Steiner, 2008) pour fournir les moyens de contrôler ces foules dangereuses.

Conclusion

Si la Révolution française est longtemps pensée sous un tropisme masculin, la citoyenneté s’inscrivant dans la virilité (Fraisse, 1995), et si l’historiographie de la psychologie énumère des savants au masculin, ces narrations genrées ne doivent pas empêcher d’intéressantes pistes de précisions : ici, l’importance fondamentale des représentations des femmes révolutionnaires dans la constitution de la psychologie au siècle suivant. Retenir simplement un intérêt commun à ces deux époques pour les foules contestataires ne suffit pas à éclairer la genèse des théories psychologiques sur le monde social au xxe siècle : il faut se pencher sur les représentations des femmes de 1789 pour discerner le cadre de compréhension et de théorisation de la société de la IIIe République par la psychologie. La recension des écrits sur les femmes permet donc de préciser l’histoire de la psychologie, quand bien même l’hétérogénéité de ses formes actuelles suggère évidemment des genèses multiples (Guillemain et al., 2019).

L’héritage des représentations médicales des femmes de la Révolution française est structurant, autant dans la constitution des savoirs que dans les stratégies de légitimation scientifique et politique de la psychologie. Science empirique, elle s’appuie sur les observations léguées par les contemporains de la Révolution et les premiers aliénistes. De ces archives, les psychologues conservent la certitude de l’irrationalité contagieuse et dangereuse de l’accession au politique des femmes, et ne tardent pas à transposer ces critères à la foule pour penser les moyens de la gouverner. Les femmes révolutionnaires constituent un thème central de la psychologie alors qu’elle s’affirme par rapport à d’autres disciplines revendiquant souvent l’expertise et le monopole méthodologique sur les mêmes objets.

La trame généalogique, en pointant des contenus fondateurs et structurants, montre également le souci d’une inscription historique de la psychologie, autant pour légitimer la discipline que pour chercher les clefs face à l’angoisse d’un ordre scientifique, politique et social menacé par de nouvelles « furies » révolutionnaires. La filiation revendiquée avec les aliénistes fondateurs comme Pinel ou Esquirol se perçoit dans ce double objectif de conquête scientifique et d’ordonnancement du social, en plus d’être évidemment visible dans les matières théoriques.

C’est dans ce cadre cognitif que se développe la psychologie au début du xxe siècle pour étudier les masses, le monde social ou les femmes, catégories qui seront encore longtemps des esprits castrateurs et hystériques — pensons à Sigmund Freud (1921) qu’on sait lecteur de Le Bon dans l’essai Psychologie des foules et analyse du moi. Si les influences sur la psychologie des foules sont évidentes, il serait intéressant d’étudier la circulation de ces modèles-types psychologiques de femmes révolutionnaires dans d’autres branches de la psychologie : par exemple dans la psychologie sociale qui s’est constituée en opposition avec les conclusions de Sighele, Le Bon ou Tarde sans remettre définitivement en cause le caractère irrationnel des foules (Rouquette, 2006), ou dans les corpus constitués autour de l’œuvre freudienne.

Conflits d’intérêts

Aucun conflit d’intérêt déclaré.

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Tarde, G. (1892/1989). Les crimes des foules (extrait du Troisième Congrès de l’International d’Anthropologie Criminelle, 1892). Hermès, 5-6(2), 95-106. https://doi.org/10.4267/2042/15121

Tebaldi, A. (1887). Ragione e pazzia. Hoepli.

Thomas, E. (1963). Les pétroleuses. Gallimard. 

Yvorel, J. (1996). Incendiaire ou pyromane ? Médecins et juges face à l’incendie volontaire. Revue d’histoire du xixe siècle, 12(1), 7-16. https://doi.org/10.4000/rh19.85

Notes

1 La plupart des ouvrages anciens cités dans cet article, typiquement ceux du xixe et du début du xxe siècle, sont accessibles en version numérique sur le portail Gallica de la Bibliothèque Nationale de France. https://gallica.bnf.fr/accueil/fr/ Retour au texte

2 Les hypothèses avancées dans cet article sont soumises à des développements et questionnements plus précis dans une thèse en cours. Retour au texte

3 La locution « terre de personne », ou du moins décrétée comme telle, indique qu’elle est à conquérir et posséder. Retour au texte

4 La numérisation de la Gazette nationale ou le Moniteur universel, 19 novembre 1793, est accessible en version numérisée sur le site de la presse de la Bibliothèque Nationale de France. L’article « Aux Républicaines » est en première page du numéro. Retour au texte

5 Les archives relatives aux procès de la Commune ont été entrées sur une base de données, partiellement accessible en ligne. Pour une présentation, voir Farcy, J.-C. (2021). Une base de données sur la répression judiciaire de la Commune de Paris, Revue d’histoire du XIXe siècle, 63(2), 125-138. Retour au texte

6 Par exemple pour l’année 1871, n°5 : « Médecine légale. Rapport sur l’état mental de la nommée V… inculpée d’incendies (hystéro-épilepsie à forme anomale. Ordonnance de non-lieu) » par Daniel Brunet, directeur et médecin de l’asile de Dijon.  Retour au texte

7 Cette partie est donc en note de bas de page dans l’ouvrage de Sighele. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Agathe Meridjen-Manoukian, « Les femmes de la Révolution française pour exemples : mises en garde scientistes et méthode historique dans la constitution de la psychologie au début de la IIIe République », Psychologies, Genre et Société [En ligne], 1 | 2023, mis en ligne le 26 octobre 2023, consulté le 11 décembre 2024. URL : https://www.psygenresociete.org/195

Auteur·ice

Agathe Meridjen-Manoukian

Doctorante en sociologie à l’Université Paris Nanterre. Chargée du reclassement des fonds de l’hôpital psychiatrique Esquirol — Maison de Charenton (xviiexxe siècles) aux Archives départementales du Val-de-Marne.

Droits d’auteur·ices

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